Le 8 mars, le compositeur français, célèbre pour ses chansons et musiques de films, propose son premier vrai grand opéra, Colomba, dans une mise en scène de Charles Roubaud, avec Marie-Ange Todorovitch dans le rôle-titre.
Ayant abordé tous les genres et toutes les formes de musique, sans a priori ni préjugés, vous présentez une personnalité aussi originale que multiple. Comment pourriez-vous caractériser un parcours aussi singulier ?
J’ai, en effet, travaillé dans tous les domaines qu’offre la musique. Ma formation classique, au CNSM de Paris, m’a donné de solides bases, sans me détourner de mon premier amour pour le jazz. Jeune, j’ai eu la chance de pouvoir tenter l’aventure de pianiste, en accompagnant les meilleurs musiciens américains des années 1960. Puis, le hasard m’a conduit vers le monde du show-business, en tant qu’arrangeur et compositeur de chansons pour les vedettes de l’époque. La comédie musicale m’a également attiré, tout comme l’univers de la publicité. En 1982, j’ai eu l’opportunité d’entamer une nouvelle carrière dans la musique de film. Cette riche expérience m’a permis de collaborer avec les plus grands noms du cinéma.
Votre talent dans tous ces univers a été reconnu et couronné par des prix prestigieux, ce qui ne vous a pas empêché de composer des œuvres symphoniques et de collaborer avec le théâtre. Que vous a apporté l’exploration de ces différents registres ?
Les territoires de l’écriture dont je viens de vous parler ont été une formidable école, qui m’a permis la connaissance de toutes les musiques, de tous les styles. J’ai ainsi beaucoup appris en ce qui concerne l’improvisation, l’interprétation, l’instrumentation, les couleurs de l’orchestration. Dans nombre de mes compositions, j’ai aussi intégré des thèmes de la musique dite « classique ».
Après Sans famille, créé en 2007, à l’Opéra de Nice, vous revenez au genre lyrique avec Colomba. À quelle nécessité cette nouvelle – et vaste – entreprise répond-elle ?
Sans famille était davantage proche du style de la comédie musicale. Je voulais, à un moment ou à un autre, me confronter à la composition d’un véritable grand opéra. Colomba s’inscrit ainsi dans mon parcours comme la somme de toutes mes expériences antérieures, en témoignant de mon amour pour la voix. Bien que les enjeux soient différents, composer, à l’opéra comme au cinéma, c’est inventer une mélodie et une structure. Le développement revient ensuite à l’orchestration. L’essentiel est d’apporter de l’émotion, le sujet de la nouvelle de Mérimée s’y prêtant particulièrement.
Pour quelles raisons votre choix s’est-il porté sur cette nouvelle ?
L’idée est venue de mon librettiste, Benito Pelegrin. J’avais lu ce livre dans mon enfance. Tous les ingrédients en œuvre à l’opéra se trouvent réunis dans cette histoire à l’intrigue simple, au style limpide. Colomba offre des situations passionnelles extrêmes, qui conviennent à la scène lyrique : mort, vengeance, amour. Ma sensibilité me porte en plus vers les rives de la Méditerranée, berceau de notre civilisation : l’univers de la Corse, ses paysages sauvages comme son peuple, sont un support fertile pour mon imagination.
Entre modernité et tradition, quelle forme, quelles textures musicales avez-vous données à votre opéra, tant sur le plan orchestral que vocal ?
Il fallait, tout en revisitant le passé et en restant fidèle à une certaine tradition, trouver un langage musical juste, actuel et accessible au plus grand nombre. J’ai écrit une partition pour grand orchestre symphonique – incluant piano et guitare – dans un style harmonique complexe, inscrit dans un héritage allant de Debussy et Ravel à Messiaen et Dutilleux. Pour ce qui concerne les voix, chaque personnage est caractérisé par une tessiture et une ligne mélodique propres, en particulier les trois héros : Colomba, mezzo-soprano au timbre chaleureux ; Orso, son frère, ténor ; et Lydia (Miss Nevil), soprano, amoureuse du précédent… Sans tomber dans le pittoresque, j’ai chercher à recréer le climat de la tradition a cappella ornementée, ainsi que le phrasé du chant corse, en particulier pour le chœur et le rôle-titre. Je souhaite que, par ses couleurs musicales, mon opéra apporte un miroitement de clartés et d’ombres, exaltant la sombre beauté de Colomba.