Comptes rendus Samson et Dalila à New York
Comptes rendus

Samson et Dalila à New York

08/10/2018

Représenté pour la première fois à New York  en 1892, sous forme d’oratorio, Samson et Dalila a fait son entrée au Metropolitan Opera trois ans plus tard, le 8 février 1895, avec Francesco Tamagno, le créateur d’Otello, en prophète. Par la suite, les nouvelles productions qui se sont succédé ont rarement fait appel à des chanteurs francophones, mais quand cela a été le cas, c’était toujours pour le meilleur : Léon Rothier, Vieillard hébreu en 1915 ; René Maison, Samson en 1935 ; Rita Gorr et Gabriel Bacquier, Dalila et Grand Prêtre en 1964.

C’est donc avec une certaine impatience qu’on attendait Roberto Alagna et Laurent Naouri au rendez-vous de ce cru 2018, de surcroît en ouverture de la saison. Malade, Roberto Alagna a assuré la première du 24 septembre, sans être en pleine possession de ses moyens. La seconde, le 28, s’est apparemment mieux passée, contrairement à la troisième, ce 1er octobre, où le ténor français, dont le public du Met a récemment applaudi le talent dans Cyrano de Bergerac, Cavalleria rusticana et Pagliacci, a dû déclarer forfait avant l’acte III.

Au I et au II, nous avons personnellement trouvé Roberto Alagna solide, net de phrasé et de diction, scéniquement crédible, de surcroît. Mais les moments de paroxysme accusaient une évidente tension et l’on n’a pas été autrement surpris en voyant apparaître à sa place, après le second entracte, sa doublure : Kristian Benedikt.

En débuts au Met, et compte tenu de ces circonstances très particulières, le ténor lituanien a livré un Samson d’excellent niveau. La voix est grande, pénétrante ; le phrasé peut encore être amélioré, mais demeure acceptable, le si bémol aigu final possédant toute la fermeté et l’éclat requis.

En Dalila, Elina Garanca produit des sonorités ravissantes et n’éprouve aucune difficulté dans la conduite des longues phrases mélodiques. Ceci posé, la tessiture s’avère un peu basse pour elle et, surtout, la mezzo lettone ne se départit jamais d’une certaine froideur, dans laquelle Mehdi Mahdavi, à l’occasion de sa prise de rôle viennoise, en mai dernier, voyait une forme de distinction (voir O. M. n° 141 p. 70 de juillet-août 2018). Bien chantée, savamment construite, cette Dalila ne nous émeut guère.

Quels que soient les plaisirs dispensés par la diction de Laurent Naouri, véritable modèle en la matière, son Grand Prêtre progresse de manière inégale sur le plan vocal, avec des phrases tantôt galbées avec douceur, tantôt déclamées avec une rudesse proche de la brutalité.

Si Elchin Azizov est un Abimélech éclatant de santé, Dmitry Belosselskiy offre un Vieillard hébreu sonore, mais pas vraiment dans le style. Le tout, sous la baguette d’un Mark Elder coupable de chutes de tension : par-delà l’indéniable moelleux des sonorités de l’orchestre, la musique peine à avancer.

Préparés par Donald Palumbo, les chœurs sont remarquables, mais pourquoi Darko Tresnjak, metteur en scène venu de Broadway, les dispose-t-il autour du plateau dans le tableau final ? Leur présence, ajoutée à un décor occupant déjà beaucoup de place, représente une sérieuse contrainte pour la chorégraphie d’Austin McCormick.

Pour le reste, le dispositif d’Alexander Dodge évoque une station spatiale des années 1970, l’ensemble de la production manquant, à la fois, de pertinence et d’impact. L’effondrement du temple, en particulier, dont on attend toujours un véritable choc visuel,  tombe à plat, au milieu d’éclairs de lumière et de fumées.

DAVID SHENGOLD

PHOTO © MET OPERA/KEN HOWARD

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