Comptes rendus Le Pirate de Michael Spyres à Genève
Comptes rendus

Le Pirate de Michael Spyres à Genève

28/02/2019

Grand Théâtre, 22 février

Premier grand succès de Bellini, Il pirata (Milan, 1827) porte la marque de ceux pour lesquels il a été écrit. Le rôle de Gualtiero, destiné au fameux Giovanni Battista Rubini, est ainsi devenu une véritable gageure pour les interprètes contemporains. Michael Spyres s’y confronte avec sa voix au médium large, presque de baryténor, assumant une tessiture très longue et des écarts de registre abrupts, avec une projection impressionnante.

Son phrasé, d’une élégance aristocratique, restitue tout l’héroïsme sombre et la virilité d’un personnage typique des grands hors-la-loi de la période romantique. Et, bien qu’audiblement enrhumé, le ténor américain triomphe des chausse-trappes de ce rôle virtuose, auquel il insuffle un élan qui emporte toute réserve, malgré quelques suraigus incertains et un léger voile sur le timbre.

Roberta Mantegna (remplaçant Marina Rebeka, souffrante) campe une candide Imogene. Il lui manque ce sens du « clair-obscur », qui donnerait un supplément de profondeur à son incarnation et restituerait le caractère tourmenté de l’héroïne, qui justifie son basculement final dans la folie.

Les moyens de la soprano italienne sont importants : une voix de grand lyrique, très pure et d’une étendue respectable ; un aigu brillant ; et tout le bagage technique nécessaire pour affronter les exigences d’une écriture ornée. Mais, curieusement, alors qu’elle est la seule à avoir déjà chanté le rôle en scène, elle paraît un peu appliquée. Elle ne se libère que dans la scène finale où, après une cavatine superbe de ligne et de souplesse, elle parvient enfin à dépasser la simple performance, pour livrer une cabalette très engagée.

Franco Vassallo possède la vaillance et le registre supérieur facile, indispensables pour  Ernesto. Mais le baryton italien laisse entendre quelques limites dans le grave et, surtout, les passages vocalisants lui échappent tout à fait, en particulier dans le magnifique trio du deuxième acte. Dans le rôle épisodique de l’Ermite, Roberto Scandiuzzi expose les restes de sa splendeur passée.

Le Chœur du Grand Théâtre de Genève est parfaitement préparé par Alan Woodridge, et l’Orchestra Filarmonica Marchigiana convainc, sous la direction compétente et raffinée de Daniele Callegari. Au bilan, un concert qui, sans être exceptionnel, offre tout de même quelques moments remarquables et le plaisir de réentendre une œuvre très rarement donnée.

ALFRED CARON

PHOTO : © STUDIO AMATI BACCIARDI

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