Comptes rendus Mascate lance une tournée Lakmé
Comptes rendus

Mascate lance une tournée Lakmé

05/04/2019

Royal Opera House, 29 mars

Avec son Royal Opera House (ROHM), inauguré en 2011 (voir O. M. n° 68 p. 28 de décembre), et son Auditorium flambant neuf, conçu comme un centre d’art, de culture et d’éducation, Mascate, capitale du sultanat d’Oman, mise sur la musique, là où les autres États du golfe Persique privilégient la chose muséale.

Jusqu’à présent, les productions d’opéra étaient importées de l’étranger, complétées par des concerts de gala, avec de nombreuses vedettes internationales, comme Placido Domingo. Umberto Fanni, directeur général du ROHM depuis 2014, vient de franchir un nouveau cap, en lançant une coproduction  de Lakmé qui a vu le jour à Mascate, à la fin du mois de mars, avec deux distributions en alternance, et tournera jusqu’en 2026 (Los Angeles Opera, Teatro Carlo Felice de Gênes, Teatro dell’Opera de Rome…).

Plans d’eau, moucharabiehs, végétation luxuriante, images animées projetées sur des panneaux coulissants, pour édifier de subtiles perspectives en écho au drame : tout, dans la mise en scène de Davide Livermore, rappelle cette Inde fantasmée par Delibes et ses librettistes, Edmond Gondinet et Philippe Gille. Si la direction d’acteurs fait preuve de respect et de pudeur, en bannissant notamment la moindre effusion amoureuse entre la fille du brahmane et l’officier britannique, elle n’en est pas moins rigoureuse dans sa recherche de simplicité et de stylisation.

Plus à l’aise dans les moments intimes – l’apparition d’une brusque pluie de mousson, après le premier duo entre Lakmé et Gérald, apporte une délicieuse touche d’exotisme – que dans les scènes de foule du II, davantage convenues, Davide Livermore traite le sujet avec beaucoup de goût, en réussissant à insérer sans hiatus les danses dont il est l’auteur, exécutées non sans charme par le Ballet d’Opera Australia (un autre coproducteur).

Svetlana Moskalenko réunit tous les critères associés au rôle-titre : rondeur de l’émission, intelligibilité de la prosodie, nuances et virtuosité. Très proche de Mady Mesplé, dont elle s’est sans doute inspirée dans sa conception psychologique du personnage, comme dans son approche musicale, la soprano russe semble avoir compris d’instinct les tourments de cette héroïne tour à tour émouvante (« Pourquoi dans les grands bois ») et éblouissante (« Où va la jeune Hindoue »).

Leonardo Ferrando n’a malheureusement rien d’aussi prometteur à proposer en Gérald, son ténor, étroit de ligne et étranglé dans l’aigu, ne parvenant pas à la cheville de sa collègue. Alessandro Luongo défend de son mieux le court rôle de Frédéric, à la différence du Nilakantha bien chevrotant de Burak Bilgili, que l’on oublie vite au profit de Raffaella Lupinacci, agréable Mallika, et d’Elena Zilio, solide Mistress Bentson.

À la tête des forces du Teatro Carlo Felice de  Gênes, admirablement disciplinées, Jordi Bernacer restitue, avec élégance, l’inventivité symphonique de l’auteur de Coppélia, sans omettre d’insuffler à cette partition aux alliages raffinés, une délicatesse rêveuse qui participe à la réussite de la représentation.

FRANÇOIS LESUEUR

PHOTO © KHALID ALBUSAIDI

Pour aller plus loin dans la lecture

Comptes rendus Un très grand Siegfried à Madrid

Un très grand Siegfried à Madrid

Comptes rendus Paris en fête

Paris en fête

Comptes rendus Un adieu triomphal

Un adieu triomphal