Comptes rendus Carmen Rachvelishvili et Don José Borras à la ...
Comptes rendus

Carmen Rachvelishvili et Don José Borras à la Bastille

30/04/2019

Opéra Bastille, 23 avril

La production de Calixto Bieito, créée à Peralada, en 1999, est désormais bien ancrée dans le répertoire de l’Opéra National de Paris (voir, en dernier lieu, O. M. n° 131 p. 65 de septembre 2017). Cette reprise oppose à ses images crues une direction d’orchestre et un style vocal particulièrement châtiés.

Le jeune chef suisse Lorenzo Viotti (fils du regretté Marcello Viotti), jamais lourd, toujours lyrique et même dramatique dans les moments les plus tendus, déroule un tapis de velours sous les solistes. Mais ceux-ci vont dans le même sens et font preuve de qualités analogues. C’est particulièrement net – et même impressionnant – dans le cas d’Anita Rachvelishvili.

La mezzo-soprano géorgienne possède une réserve de puissance colossale, mais qu’elle utilise rarement. Elle sait doser et nuancer son chant, du plus léger pianissimo au fortissimo le mieux contrôlé. De surcroît, elle propose une Carmen très sobre, sensuelle certes, mais peu démonstrative, comme étrangère aux passions qu’elle déclenche.

En témoignent la « Habanera » ou une « Séguedille » pleine d’élégance, achevée sur un si à peine effleuré et qui part comme une bulle de champagne. Mais c’est évidemment dans l’air « des cartes » qu’Anita Rachvelishvili se montre la plus impressionnante, quand elle peut déployer un grave de grand orgue. Sa Carmen mourra avec autant de franchise et de santé vocale qu’elle aura vécu.

Jean-François Borras pratique, lui aussi, un art tout en finesse. Par nature, le ténor français n’est pas une bête de scène, mais il s’inscrit dans une longue tradition de Don José bien chantants. Il maîtrise l’émission mixte dans le registre aigu et couronne « La fleur que tu m’avais jetée » par un si très doux, comme il se doit, mais bien timbré.

S’il semble plus à l’aise dans les moments lyriques, Jean-François Borras se montre aussi capable de puissance à la fin du troisième acte. Emporté par une passion bien compréhensible, il n’évite pas quelques effets véristes dans le duo final. Péché véniel.

Nicole Car compose une Micaëla touchante mais pas mièvre, et assume bien les choix du metteur en scène qui fait d’elle, au I, une gentille fille sentimentale, pour atteindre, au III, une grande intensité dramatique. Pour accompagner cette transformation, la soprano  australienne possède les moyens vocaux parfaits, sans oublier le style et la diction.

Bieito nous présente un Escamillo très classe, un peu canaille certes, mais jamais débraillé. C’est bien ce que Roberto Tagliavini, en nets progrès depuis 2017, nous fait entendre. Superbe d’allure, la basse italienne nous fait oublier tant de toréadors vulgaires.

Après trente représentations, le spectacle a donc fait ses preuves, mais la vraie bonne nouvelle, c’est que l’on peut aujourd’hui monter Carmen à Paris avec une distribution internationale à la fois homogène et stylistement juste.

JACQUES BONNAURE

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/ÉMILIE BROUCHON

Représentations les  2, 5, 8 mai.

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