Comptes rendus Bal masqué en demi-teinte à Genève
Comptes rendus

Bal masqué en demi-teinte à Genève

21/06/2019

Grand Théâtre, 4 juin

Pas de demi-mesure avec Giancarlo del Monaco, pour cette nouvelle production d’Un ballo in maschera, la dernière du mandat de Tobias Richter à la tête du Grand Théâtre de Genève. D’entrée, un immense décor de bois, bien dans le style de Richard Peduzzi, figure la cour d’un palais XVIIIe, dont les panneaux sont déplacés à vue. Cet environnement grandiose reviendra au III.

Entre-temps, Del Monaco et Peduzzi choisissent bizarrement l’option d’un plateau quasiment vide et plongé dans les ténèbres. Seul un rocher sert, dans une ambiance brumeuse, de support aux prédictions d’Ulrica puis, au II, de décor pour le lieu des exécutions (sans gibet), où pousse l’herbe magique recherchée par Amelia.

L’ensemble a incontestablement de l’allure, surtout magnifié par les éclairages savants de Caroline Champetier, à l’instar des costumes de Gian Maurizio Fercioni, évoquant aussi bien la fin du XVIIIe que le début du XXe. Dommage, alors, que Giancarlo del Monaco abandonne quasiment toute idée originale de direction d’acteurs : personnages figés, chœurs avançant et reculant à pas comptés, attitudes stéréotypées. Seul le finale sauve la mise, avec un bal masqué vraiment funèbre et, de nouveau, des choristes figés, mais cette fois dans une vision morbide très efficace.

Heureusement, pour apporter l’émotion nécessaire, il y a Pinchas Steinberg, qui sait faire vibrer la musique de Verdi, à la tête d’un flamboyant Orchestre de la Suisse Romande et d’un somptueux Chœur du Grand Théâtre de Genève, d’où émerge un formidable pupitre de basses. Le chef israélien impose, en particulier, une tension d’un lyrisme éperdu dans les ensembles et les finales d’acte.

Et puis, il y a Ramon Vargas, sur lequel le temps ne semble avoir guère de prise. Certes, l’aigu est moins aisé que jadis, le timbre sonne parfois un peu terne, mais le ténor mexicain ne triche jamais, avec une technique qui lui permet de donner la sensation que tout coule avec fluidité, dans sa voix comme dans ses expressions. Ses airs, notamment, font la démonstration d’un art verdien parfaitement dominé, avec les respirations et la longueur de souffle adéquates.

Produit du Mariinsky, la jeune Irina Churilova campe une Amelia à la prestance scénique limitée, mais au médium et au grave solides et sensuels. Les aigus, en revanche, sont problématiques, souvent trop serrés. Franco Vassallo, baryton expressif, à la diction impeccable, ne maîtrise pas le volume de son instrument, s’abandonnant à des excès spectaculaires et apparemment du goût du public, mais qui confinent à la trivialité.

Judit Kutasi a le format vocal idéal pour Ulrica, avec un grave moelleux et une faconde ne tombant jamais dans la caricature. L’Oscar de Kerstin Avemo est gracieux, folâtre, mais manque souvent de projection pour s’imposer dans les ensembles.

D’où une impression mitigée, face à une production jamais vraiment satisfaisante, malgré les efforts de Pinchas Steinberg et le brio de Ramon Vargas.

JEAN-LUC MACIA

PHOTO © CAROLE PARODI

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