Comptes rendus Une Butterfly pleine de qualités à Nancy
Comptes rendus

Une Butterfly pleine de qualités à Nancy

02/07/2019
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Opéra National de Lorraine, 24 juin

Quand on est soucieux, ce qui est de plus en plus le cas aujourd’hui, de la crédibilité scénique d’un personnage, le fait qu’une cantatrice asiatique investisse le rôle de Cio-Cio-San est un atout évident. Quand, en plus, la qualité du chant est au rendez-vous, le plaisir du spectateur s’en trouve décuplé.

Tel est le cas à l’Opéra National de Lorraine, où Sunyoung Seo ajoute à son physique la voix idéale pour l’héroïne : ambitus imposant, puissance souveraine, legato sensible, absence de vibrato intempestif, égalité sur tous les registres, articulation impeccable. Sans oublier le talent d’émouvoir, sans forcer dans le larmoiement, ni dans les excès dramatiques. Après la candeur savoureuse de la jeune fille de 15 ans qu’elle incarne au début, la soprano coréenne atteint à une vérité dramatique rare dans toute la fin du III, quand elle découvre la vérité sur la trahison de Pinkerton.

Capable d’exhaler des suraigus pianissimo, Sunyoung Seo parvient aussi à survoler, avec aisance, les fracas de l’orchestre puccinien. Il est vrai que Modestas Pitrenas ne s’économise pas. Le chef lituanien installe des écarts dynamiques impressionnants avec des tutti puissants, où les cuivres et les timbales se déploient sans mesure. Il parvient néanmoins, dans les moments les plus délicats de la partition, à adoucir un Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy très en forme.

Edgaras Montvidas ne parvient pas toujours à surmonter les décibels surgissant de la fosse, mais, en dépit d’une voix qui bouge ponctuellement, le ténor lituanien incarne un Pinkerton stylé, aux élans mordorés et au médium corsé. Seul lui manque un zeste de lumière dans le timbre.

Dès son entrée, la mezzo roumaine Cornelia Oncioiu pose les marques d’une superbe Suzuki, avec une grâce vocale qui fait merveille dans le duo « des fleurs ». Un Sharpless correct, au chant soigné, et un Goro d’une ambiguïté savoureuse complètent ce beau plateau, où brille aussi le Chœur de l’Opéra National de Lorraine.

La mise en scène habile d’Emmanuelle Bastet nous évite les abus de pittoresque et de folklore nippons, sans tomber dans une modernisation intempestive. Certes, elle ne sait pas trop comment animer les va-et-vient des choristes et figurants, lors de la cérémonie du mariage, mais sa direction d’acteurs exprime parfaitement l’émotion poignante des dernières scènes.

Un sol de lattes de bois évoque bien les maisons japonaises, avec une partie renflée en forme de vague, qui semble nous signifier que la mer est toute proche. De nombreux petits panneaux mobiles se déplacent sans arrêt pour délimiter les différents lieux de vie, avec une simplicité louable. Une vive lumière provient de ce sol pendant l’intermezzo, créant un effet magique, avant le retour à la pénombre, symbolisant sans doute une sorte de paradis perdu.

Rien de révolutionnaire dans tout cela, mais une approche réussie de Madama Butterfly, que conforte la remarquable performance de Sunyoung Seo.

JEAN-LUC MACIA

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE LORRAINE/C2IMAGES

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