Comptes rendus Cenerentola en service minimum à Amsterdam
Comptes rendus

Cenerentola en service minimum à Amsterdam

09/01/2020

De Nationale Opera, 16 décembre

Laurent Pelly a-t-il été moins inspiré par La Cenerentola que par Le Comte Ory, pour ce qui est de Rossini, et par Cendrillon de Massenet, pour s’en tenir au conte de Perrault ? Il donne, quoi qu’il en soit, l’impression d’offrir le service minimum.

Peut-être aussi a-t-il le désavantage, certes bien malgré lui, de passer après Stefan Herheim, dont la fantaisie, érudite mais d’abord sans limite, faisait merveille, voici deux ans, à l’Opéra de Lyon. Si les deux spectacles ont en commun leurs points de départ et, surtout, d’arrivée – la malheureuse Angelina rendue à sa condition première, son seau et son balai serpillière à la main –, le chemin qu’emprunte Laurent Pelly pour les relier est beaucoup plus prévisible.

Les différentes pièces de la demeure de Don Magnifico apparaissent à vue sur une structure qui, à y regarder de plus loin, évoque un toit, avant de laisser place, pour le palais royal, à des éléments géants rose fuchsia en deux dimensions. Voilà pour la dimension onirique, ou plutôt illusoire, et donc cruelle, d’une histoire dont même les enfants ne croient plus à l’issue heureuse.

À plusieurs moments, Laurent Pelly pallie ses pannes d’imagination avec des pis-aller, dont le moins convaincant est la transformation d’Alidoro en chef d’orchestre pendant son air. Passe encore – il n’est ni le premier, ni le dernier à user et abuser de cet artifice – que les chanteurs bougent en rythme, mais pourquoi cette fâcheuse tendance à les placer au fond du plateau ?

Isabel Leonard est celle qui en fait le plus souvent les frais, dont la projection, dans le grave surtout, paraît plus d’une fois insuffisante. La voix n’en est pas moins longue – n’a-t-elle pas récemment chanté Blanche dans Dialogues des Carmélites au Metropolitan Opera de New York ? –, et joliment veloutée, mais les coloratures ne fusent pas avec assez d’aisance pour faire des étincelles dans le rondo final – et même dès le duo entre Angelina et Ramiro.

D’autant que Lawrence Brownlee y donne d’emblée une leçon de bel canto, fluide, suave, enchaînant les suraigus sans rien laisser entendre de la mécanique qui, chez d’autres, annonce avec ostentation des exploits trompetants. Qu’importe, dès lors, que le personnage ne se départisse que rarement de son indifférence !

Son valet lui est, à cet égard, fort bien assorti : Alessio Arduini a la vocalise déliée qui évite à Dandini la tentation d’en faire des tonnes. Troquant les fanfaronnades du prince d’un jour pour la faconde vénale puis avinée de Don Magnifico, Nicola Alaimo brûle les planches, et plastronne dans un registre où son baryton sonne plus percutant que jamais. Face à ce brillant trio masculin, Roberto Tagliavini peine à faire exister Alidoro, malgré sa maîtrise technique.

Dans la fosse, Daniele Rustioni va à l’encontre de la tradition qui veut que l’orchestre rossinien ne soit que légèreté et vif-argent. D’un geste toujours aussi souple qu’impérieux, le chef italien creuse une matière d’une densité insoupçonnée et y révèle des trésors de coloration, donnant à la représentation le relief que lui refuse la mise en scène professionnelle, mais encore moins loufoque que magique, de Laurent Pelly.

MEHDI MAHDAVI

PHOTO © MATTHIAS BAUS

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