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Comptes rendus

Une autre vision de Written on Skin à Montréal

02/04/2020

Salle Wilfrid-Pelletier, 25 janvier

Pour la première canadienne de Written on Skin de George Benjamin (né en 1960), l’Opéra de Montréal, en misant avant tout sur des forces locales, a réalisé les bons choix.

Alain Gauthier, auquel l’institution doit plusieurs réussites, notamment une remarquable Suor Angelica, est parvenu à créer un spectacle puissant sur le plan dramaturgique, tout en s’affranchissant de la vision de Katie Mitchell, qui marqua la création de l’œuvre, en 2012,  au Festival d’Aix-en-Provence (en CD chez Nimbus Records), et fut filmée, l’année suivante, au Covent Garden de Londres, pour une publication en DVD (Opus Arte).

Un exemple parmi d’autres montre que Gauthier a réussi à imposer une vision pertinente et parfois plus clairvoyante que Mitchell. Lors de l’ultime face-à-face entre Agnès et le Protecteur, menant à la mort de la première, il est question, au début de la scène 14, d’une grande table blanche, dans une pièce avec balcon. Si Agnès se jette du balcon dès la fin de la scène, comme ici, on évite le léger ridicule du meurtre au ralenti de la production originale.

De même, lors de la rencontre du Protecteur et du Garçon dans la forêt, Gauthier a l’excellente intuition de mettre le premier en position de faiblesse, révélant une autre facette de sa personnalité : c’est un moment de doute, où il n’a pas prise sur les événements.

Cette lecture judicieuse habille un cadre qui ne l’est pas moins. Olivier Landreville joue sur des éléments de décor amovibles, pour disposer d’un escalier en colimaçon menant à l’atelier, imposer un fond de scène qui se fissure à mesure que le couple éclate et, surtout, créer une superbe image finale.

Deux éléments architecturaux en ruine figurent alors un serre-livre, au milieu duquel Agnès, libérée par son suicide, devient symboliquement le livre et son cœur. Les éclairages d’Eric Champoux sont tout aussi réussis, rehaussant la symbolique du livre. À sa lecture, les personnages sont comme illuminés.

Seule vedette de l’équipe scénique, le créateur Philippe Dubuc, pour ses premiers costumes à l’opéra, œuvre majoritairement dans le gris, sans éblouir, convaincre ou trouver une idée pertinente pour éclairer la dualité du contemporain (les Anges) et de l’ancien (les personnages de l’histoire).

Dans la fosse, Nicole Paiement, spécialiste de l’opéra des XXe et XXIe siècles, réalise un travail remarquable et érudit, à la tête de l’Orchestre Symphonique de Montréal.

Sur le plateau, la satisfaction n’est pas moindre. La soprano Magali Simard-Galdès incarne une Agnès prête à bondir, que l’on n’attendait pas aussi puissante dans les scènes 6, 10 et 14. Barbara Hannigan était plus sinueuse, Simard-Galdès davantage pur-sang.Dans un rôle créé par Bejun Mehta, Luigi Schifano étonne par sa très forte présence, assez rare à ce point chez un contre-ténor.

Le baryton-basse Daniel Okulitch est impeccable, parfois même supérieur à Christopher Purves dans le DVD londonien, alors que la mezzo Florence Bourget et le ténor Jean-Michel Richer confirment tout le bien que l’on peut penser d’eux.

CHRISTOPHE HUSS

PHOTO © YVES RENAUD

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