Comptes rendus Une rentrée lyrique pleine d’incertitudes
Comptes rendus

Une rentrée lyrique pleine d’incertitudes

18/08/2020

En prolongement de son enquête « Les acteurs de l’opéra dans la crise », parue dans le numéro 162 d’Opéra Magazine, Mehdi Mahdavi, entre le 8 juillet et le 8 août, a interrogé huit directeurs de théâtre, des deux côtés de l’Atlantique. Selon les pays et les modes de fonctionnement propres à chaque maison, la manière dont ils envisagent la rentrée 2020 n’est évidemment pas la même. Mais une chose est sûre : l’incertitude est partout, les obligeant à se surpasser en termes de résilience, d’inventivité et de capacités d’adaptation.

Prudemment d’abord, puis en accélérant la cadence – trop, peut-être, au vu d’une recrudescence de cas dans certains pays qui, sans vouloir jouer le jeu des alarmistes, n’en est pas moins alarmante –, l’Europe s’est déconfinée en ordre dispersé, dès la fin avril, alors que la pandémie s’abattait de plein fouet sur le continent américain. Le retour à la normale n’est pas pour autant d’actualité, et semble même utopique à court, voire moyen terme, malgré de soudains élans d’optimisme, qui sont moins une marque d’inconscience que des tentatives, un rien désespérées sans doute, de conjurer le mauvais sort.

Contraintes à une fermeture quasi immédiate, et à l’arrêt complet de leurs activités autres que numériques et audiovisuelles, les maisons d’opéra, ces mastodontes de tailles diverses, accumulent les handicaps dans cette phase intermédiaire, où la nécessité même de reprendre se heurte à des protocoles sanitaires drastiques, dont les lacunes soulignent, s’il en était encore besoin, la méconnaissance crasse, de la part des différents gouvernements, assurément plus préoccupés par les conditions de redémarrage des compétitions sportives, des spécificités du secteur.

Le Hessisches Staatstheater de Wiesbaden n’a donc pas manqué de courage en décidant de rouvrir ses portes, dès le 18 mai, avec une série de concerts et récitals présentés devant une salle aux fauteuils espacés, pour respecter la distanciation sociale – une photo du parterre a été partagée sur les réseaux sociaux par de nombreux artistes, Anna Netrebko en tête, mise en regard avec un cliché pris par le baryton Michael Volle dans un avion bondé, pour dénoncer un « deux poids, deux mesures » incompréhensible, et qui n’a d’ailleurs pas fini de choquer.

De moins en moins isolées, chaque institution redoublant de créativité pour proposer une programmation alternative, malgré des moyens de production forcément entravés, ces initiatives ont ravivé l’espoir, qui a atteint son apogée lors de l’annonce du maintien de l’édition, certes réduite, du centenaire du Festival de Salzbourg, avec deux opéras à l’affiche. Les grandes voix se font à nouveau entendre et Stéphane Lissner, démissionnaire de l’Opéra National de Paris, a frappé très fort pour son arrivée à Naples (voir nos pages « Comptes rendus » dans ce numéro). Les orchestres, au premier rang desquels les Wiener Philharmoniker, se redéploient, certes moins dans les fosses que sur les plateaux, et quelques metteurs en scène triés sur le volet reprennent le travail.

Tout irait-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas exactement. Car ces rayons épars ne suffisent pas, malgré leur indéniable intensité, à dissiper les nuages qui s’amoncellent sur une rentrée lyrique incertaine entre toutes. En France, comme ailleurs en Europe. Même si certaines personnalités s’échinent à garder le cap, contre vents et marées.

Règles

Directeur artistique du Teatro Real de Madrid, Joan Matabosch n’est pas du genre à rester les bras croisés, à attendre les directives des pouvoirs publics – précisons que certaines régions d’Espagne ont été forcées de se reconfiner, quelques semaines après notre entretien (1).

« Dès lors que les chiffres de contagion et de mortalité ont commencé à baisser, et les restrictions à se relâcher, nous avons établi un protocole interne au théâtre, en accord avec les mesures déterminées par le gouvernement, indique-t-il. L’unique choix n’étant plus d’annuler, nous avions, en effet, la possibilité de nous adapter aux consignes de sécurité sanitaire. Il était déjà prévu de terminer la saison avec La traviata, dont une première série devait avoir lieu en mai. Nous avons décidé d’augmenter le nombre de représentations à vingt-sept, non seulement pour pouvoir accueillir l’ensemble des personnes qui avaient acheté un billet, dans une salle réduite à 50 % de sa capacité, mais aussi pour les artistes dont les spectacles avaient été annulés. Il était évidemment impossible de reprendre la mise en scène de Willy Decker. J’ai donc demandé à son assistant, Leo Castaldi, d’imaginer une version permettant de maintenir la distance entre les solistes et les choristes. Au départ, je pensais mettre l’orchestre sur le plateau, mais les quatre épidémiologistes ayant travaillé à l’adaptation des espaces du théâtre ont dit que ce n’était pas nécessaire, la fosse disposant de trois configurations selon son effectif. Plutôt que la petite configuration, qui aurait pu suffire à accueillir les cinquante musiciens requis par la partition, nous avons eu recours à la grande. Par ailleurs, les cordes portaient un masque et nous avons utilisé, pour les vents, les écrans de protection servant en principe aux percussions. Le spectacle était donc plus proche de ce qu’aurait été une production scénique, alors même que nous avions annoncé un concert mis en espace. Dans ces circonstances, tout ce qui est facile, en temps normal, devient très compliqué. Les chanteurs qui n’avaient pas passé le confinement en Espagne ont dû se soumettre à une période de quarantaine, mais finalement, personne n’a manqué à l’appel – Marina Rebeka, qui remplaçait Nadine Sierra, Michael Fabiano, Matthew Polenzani, etc. Tout le monde – artistes, techniciens, personnel administratif – a également dû faire une analyse de sang avant d’accéder au théâtre, et la température était contrôlée chaque jour. Les premiers temps, nous avions l’impression d’arriver dans un hôpital, mais c’est devenu une routine. En ce qui concerne le public, l’entracte a été rallongé de vingt-cinq à quarante minutes, notamment pour permettre une désinfection systématique des sanitaires. C’est certes un peu étrange, mais mieux vaut respecter les règles que garder le rideau baissé ! Pour la rentrée, j’espère évidemment un retour à la normale, mais les deux scénarios sont sur la table. Il est d’ores et déjà clair que nous allons utiliser la grande fosse jusqu’en décembre, y compris pour les œuvres qui ne le requièrent pas. S’agissant de Rusalka, à partir du 12 novembre, je suis en contact permanent avec Christof Loy, qui a déjà dû faire face aux problèmes liés à l’épidémie, à Salzbourg. Nous ne partons pas sur la nécessité d’appliquer des restrictions, mais c’est un metteur en scène suffisamment génial pour s’adapter en cas de besoin – ce qui, paradoxalement, est plus facile pour une nouvelle production que pour un spectacle existant. Un ballo in maschera, à partir du 18 septembre, a, en effet, été très affecté par le coronavirus, puisque nous avions un projet d’accord avec le Metropolitan Opera de New York, pour faire venir le spectacle de David Alden. Nous nous sommes finalement tournés vers le Teatro La Fenice de Venise, et nous accueillerons une mise en scène qui, ensuite, sera donnée au Teatro de la Maestranza de Séville, avec lequel nous collaborons beaucoup. La dernière étape consiste à voir si nous pourrons la jouer normalement, ou s’il faudra l’adapter. Étant donné la situation, le public comprendra que nous ne puissions pas lui proposer exactement ce qui était prévu. »

Ingéniosité

Si l’Italie, aussi rapidement que violemment endeuillée, a été le premier pays européen à fermer ses théâtres lyriques, elle a œuvré à leur réouverture, dès que les courbes de contagion et de mortalité ont montré que l’épidémie était maîtrisée – et elle l’est encore, au moment où j’écris, grâce à une discipline assez exemplaire de la population, que j’ai pu constater de visu. Ainsi, les Festivals de Vérone, Martina Franca, Pesaro auront bien eu lieu, avec des programmations remaniées en un temps record. Dans une Venise débarrassée du tourisme de masse, et un Teatro La Fenice rendu aux Vénitiens, Fortunato Ortombina, directeur artistique de la maison, a fait preuve d’une admirable ingéniosité pour monter, de toutes pièces, une saison d’été indéniablement couronnée de succès (2).

« Ma préoccupation quotidienne, pendant les quatre mois de fermeture, a été de garder cette maison, et tous ceux qui y travaillent, en vie. Car le bâtiment n’est rien sans les musiciens, les techniciens, et les personnels administratifs. Un théâtre est comme un corps, un cœur humain, il ne peut pas s’arrêter. Nous avons donc essayé de continuer, malgré la peur, très forte, de ne pouvoir envisager une réouverture avant la fin de l’année, voire en 2021, ainsi que nous l’avait dit le gouvernement. Mais il n’était pas question que la musique reste en dehors du processus de reprise de l’activité. C’est le message que nous avons transmis, avec d’autres institutions, aux autorités. Pendant quatre mois, nous étions comme Pénélope, à défaire le soir ce que nous avions tenté de mettre sur pied pendant la journée, car nous ne savions ni quand, ni sous quelles conditions nous allions pouvoir accueillir du public : comment garantir la distance entre des spectateurs, masqués ou non, et aussi, bien sûr, comment faire de la musique ? De ce point de vue, le répertoire nous a beaucoup aidés. Puisque nous sommes à Venise, nous avons commencé avec Giovanni Gabrieli. Et la Fenice a été le premier théâtre en Italie à produire, pas seulement des concerts, mais aussi un opéra mis en scène, avec Ottone in villa de Vivaldi. En tant que responsable de ce lieu, l’essentiel était pour moi de donner au public, dès son arrivée, la sensation d’être dans un endroit très sûr. Pour cela, nous avons remodelé l’espace, en retirant les fauteuils du parterre pour y placer l’orchestre. Nous avons couvert la fosse avec une structure évoquant la quille d’un navire en construction, ce qui nous a permis de mettre des spectateurs sur scène, en créant un théâtre circulaire, à l’image du Globe de Shakespeare. La Fenice est désormais l’un des endroits les plus vastes de Venise, avec une jauge fixée à 30 % de sa capacité, soit trois cents places au lieu de mille, et ce au moins jusqu’à la fin de l’été. Le principal enjeu concerne, à présent, la fin de la saison 2019-2020, qui a commencé en novembre de l’année dernière et s’achèvera en octobre. Il reste donc trois mois, avec un retour graduel à la normale. Nous allons d’abord présenter Dido and Aeneas – avec, pour décor, la quille qui convient parfaitement aux thèmes de l’œuvre –, puis des versions semi-scéniques de Roberto Devereux, La traviata et Il trovatore. L’essentiel est de produire les pièces de façon viable, et donc en économisant de l’argent, par rapport à notre mode de fonctionnement habituel. C’est le seul moyen de compenser les pertes considérables liées à la billetterie. Malheureusement, le gouvernement ne comprend pas très bien que la pandémie n’est pas un problème de lieu, mais de comportement : il est beaucoup plus dangereux d’aller dans un bar, un restaurant, que d’être assis à écouter en silence Les Quatre Saisons de Vivaldi ! Il n’est pas de meilleure attitude contre le coronavirus que celle du public de musique classique. »

Plans B

Sévèrement coupée dans son ambitieux élan, la première saison d’Aviel Cahn, à la tête du Grand Théâtre de Genève, a brièvement repris en juin, avec un récital de Sabine Devieilhe, suivi d’un concert d’extraits de La traviata et de Parsifal, affichant Elsa Dreisig, Julien Behr, Andreas Schager, Georg Zeppenfeld et Jonathan Nott, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, pour s’achever le 2 juillet, sur Die schöne Müllerin, par Jonas Kaufmann et Helmut Deutsch, distinguant la maison comme la première de cordée de la sphère francophone.

« Nous étions très bien préparés, se félicite Aviel Cahn (3). Nous avons effectué un travail en profondeur avec l’Union des Théâtres Suisses, auquel a aussi participé celle des orchestres, pour parvenir à un concept de branche nous permettant de savoir comment fonctionner sous des conditions données, et toujours un peu sous l’influence de l’actualité, qui peut changer les règles subitement. Ce protocole a été accepté par les autorités fédérales et locales, avec lesquelles nous avons très bien collaboré. Certains ont voulu nous faire peur, en nous disant que notre public traditionnel, dont la moyenne d’âge est relativement haute, n’allait jamais sortir. Mais ils sont venus, et comment ! Aucun cas potentiellement infecté n’a été à déplorer chez nous, pas plus que de phénomène de super-propagation. La taille du Grand Théâtre de Genève est vraiment un cadeau en ces temps de Covid-19. Pour le premier événement, nous disposions d’une capacité de trois cents places sur les mille cinq cents disponibles, et donc de beaucoup d’espace pour distancer les spectateurs. Ensuite, la jauge théorique est passée à mille, soit environ huit cents fauteuils occupés, en respectant tous les paramètres. Si les restrictions ne sont pas plus sévères à la rentrée, nous pourrons jouer la saison – il en irait autrement si nous devions nous limiter à cent personnes. Mais je ne suis pas du genre à échafauder des dizaines de scénarios n’ayant aucun lien avec la réalité. Si le cas se présente, nous pourrons réagir. Dès lors que nous recevons la pleine contribution fédérale pour le chômage partiel – auquel nous avons inscrit non seulement notre personnel fixe, mais aussi les intermittents, principalement choristes, figurants, et techniciens supplémentaires –, l’impact du printemps dernier restera limité. Nous n’en établissons pas moins des calculs avec les autorités genevoises, au cas où nous devrions continuer à jouer devant huit cents personnes au lieu de mille cinq cents – et quelques mécènes seraient ouverts à nous venir en aide. »

Alors qu’à l’Opernhaus de Zurich, Andreas Homoki préfère recourir à un dispositif de retransmission instantanée de l’orchestre, capté en direct dans une salle de répétitions transformée en studio d’enregistrement, plutôt que de renoncer à la nouvelle production de Boris Godounov, le 20 septembre, signée Barrie Kosky, Aviel Cahn a pris la décision de remplacer Turandot, programmée en ouverture de saison, par La Cenerentola, initialement prévue en mai dernier, et voulue comme une parenthèse légère entre la première mondiale de Voyage vers l’espoir de Christian Jost et la création scénique suisse de Saint François d’Assise.

« C’est un parcours que j’aurais voulu faire avec le public genevois, et qui a été sérieusement interrompu après Les Huguenots, en mars, regrette-t-il. Je ne vais évidemment pas reprendre Einstein on the Beach et Les Huguenots quand Saint François sera reprogrammé. De la même façon, la création de Christian Jost, d’après le film de Xavier Koller, sur les réfugiés, dont la thématique contemporaine menait à celle, universelle, de l’opéra de Messiaen, avec une philosophie similaire de l’amour pour la nature et l’être humain, résonnera différemment sortie de ce contexte. En ce qui concerne la nouvelle saison, nous avons des plans B, comme enregistrer l’orchestre de L’Affaire Makropoulos, prévue le 26 octobre, au lieu de le faire jouer dans la salle. Peut-être devrons-nous présenter Candide, à partir du 11 décembre, dans une mise en scène légèrement différente, dans la mesure où le spectacle de Barrie Kosky demande beaucoup de proximité entre les artistes. J’espère que les ouvrages programmés au printemps 2021 pourront se jouer normalement. D’ici à la fin mars, peut-être le monde aura-t-il trouvé des façons de vivre avec ce virus et des solutions pour notre art… Et si cela provoque de la créativité, n’est-ce pas la raison d’être de nos métiers ? »

Reconstruction

À cause de l’interminable feuilleton des travaux du Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles, exilé sous un chapiteau aux possibilités techniques limitées pendant de trop longs mois, Peter de Caluwe, déjà mis à l’épreuve, quelques années plus tôt, par les conséquences de la crise économique, est assurément passé maître dans l’art du plan B – et même C, D, E et F. Mais l’exercice, cette fois, s’est révélé plus amer que stimulant.

« Les premières semaines après la fermeture, le 13 mars, ont été pleines de doutes, confie-t-il (4). Il était très compliqué de prendre des décisions, sauf celle de devoir annuler graduellement tous les spectacles jusqu’à la fin de la saison. Renoncer à la création de The Time of Our Singing, prévue en septembre, a été plus dur pour moi, parce que la thématique de ce livre, et de l’opéra qu’en a tiré Kris Defoort, est vraiment d’actualité – le problème du racisme aux États-Unis. Je crains d’ailleurs qu’il le soit toujours l’année prochaine, quand nous le présenterons… Jean-Luc Fafchamps et moi avions déjà parlé de Is this the end ?, qui ouvrira finalement la saison, mais je n’avais pas encore de période précise. C’est lorsque nous nous sommes rencontrés, au mois d’avril, que l’idée s’est concrétisée. Nous avons tous été frappés par les images de Bergame, et de ces funérailles lors desquelles les familles ne pouvaient pas dire adieu à leurs proches, morts dans la solitude. Cet opéra sera le premier épisode d’une trilogie contemporaine. Filmé sans public, dans les couloirs, les souterrains et la salle de la Monnaie, comme une plateforme où on peut encore, entre la vie et la mort, raconter des histoires, il sera disponible notamment via Arte Concert. Il s’agit d’une approche différente, qui utilise les restrictions avec lesquelles nous vivons aujourd’hui, pour créer une forme nouvelle. Nous reviendrons ensuite à la programmation d’origine, mais avec des aménagements. Pour Die tote Stadt, à partir du 22 octobre, j’ai passé commande à un compositeur autrichien d’une version pour cinquante-sept musiciens – le minimum pour cette partition –, et une demi-heure de musique en moins. L’orchestre sera sur le plateau, et Mariusz Trelinski va concevoir une mise en scène sur la fosse, différente du spectacle que nous avons coproduit avec Varsovie. Il en ira de même pour Falstaff par Laurent Pelly, que nous devrons adapter à la situation, en décembre. Tout cela est possible, car les artistes sont sensibles à cette problématique. Pour The Turn of the Screw, en janvier, Andrea Breth veut respecter les règles, et l’ouvrage, grâce à son petit effectif instrumental, comme à son sujet, qui peut se concevoir avec de la distanciation, s’y prête. J’ai pris des décisions jusqu’à «Bastarda», en mars, une adaptation en deux soirées des quatre opéras de Donizetti autour d’Elizabeth I. Nous avons donc un plan B si nécessaire, tout en étant capables de faire plus, si c’est possible. Cette réflexion est indispensable, car autrement, il ne reste pas d’autre choix que d’annuler les projets, ce que je me suis toujours refusé à faire. Nous allons nous reconstruire progressivement, avec une première semaine d’exploitation, en septembre, à jauge réduite, qui sera un test grandeur nature. Comment allons-nous accueillir le public, organiser les coulisses ? On oublie trop souvent les loges, les maquilleurs, les habilleuses. C’est un monde extrêmement actif, où il faut aussi respecter la distanciation sociale. J’essaie toujours de trouver des solutions. Dans ce cas, j’ai dû constater les limites d’une organisation pensée pour créer, non pour défaire. C’est très démotivant. Voilà pourquoi j’ai voulu replacer les productions sur lesquelles nous avions commencé à travailler. Les personnels de la maison doivent savoir à quelle sauce ils vont être mangés. Nous ne pouvons pas nous permettre de générer de l’incertitude. Beaucoup de projets auxquels j’ai réfléchi n’ont pas abouti, parce qu’ils n’étaient pas acceptables sur le plan sanitaire, mais il me semble que nous avons gardé le cap, et que le navire est toujours à flot. Avec cette crise, qui sait où nous serons dans un an ? Faudra-t-il vraiment attendre un vaccin pour recommencer comme d’habitude ? Nous n’avons pas de réponse… »

Une question de survie

De l’autre côté de l’Atlantique, dans une ville particulièrement meurtrie par le Covid-19, Peter Gelb, le directeur du Metropolitan Opera de New York, confirme qu’il n’est pas du genre à tergiverser (5).

« Les chances d’ouvrir le 31 décembre, comme je l’avais annoncé il y a quelques mois, sont désormais extrêmement faibles, constate-t-il. Il est probable que nous reprendrons plus tard, au printemps. Pour être absolument clair, nous ne pourrons pas accueillir de nouveau les artistes et le public, tant qu’un vaccin accessible à tous ne sera pas disponible. Les gens n’ont pas le désir de revenir dans les salles de spectacle, ainsi qu’une étude nous l’a montré, parce qu’ils ne veulent pas tomber malades. Cela n’a rien d’une zone d’ombre, et prendre cette donnée en compte est pour nous le seul moyen d’avancer. La décision de fermer le Met n’a pas été difficile à prendre. Il s’agissait, en effet, de sauver des vies. Comme l’histoire l’a montré, un grand nombre de New-Yorkais ont été infectés par le coronavirus, et beaucoup sont morts. Cette compagnie fonctionne selon un système différent de celui des théâtres européens, subventionnés par l’État. Nous ne recevons rien des pouvoirs publics, ou plus exactement, moins de 0,5 % de notre budget annuel de 300 millions de dollars. Pour survivre, nous devions prendre des mesures immédiates, assurant notre situation financière à court terme. C’était le seul moyen de tenir le coup, face à l’incroyable tempête économique qui se poursuivra dans les mois à venir – et moins violemment, je l’espère, en 2021. La clause de force majeure n’existe pas sans raison, et nos contrats sont très clairs sur le fait qu’en pareil cas, nous sommes relevés de nos obligations. La plupart des chanteurs signent en connaissance de cause, et ils n’ont pas été surpris que nous ne puissions pas les payer. Certains ont exprimé leur mécontentement, et je comprends qu’il ait été difficile pour eux de perdre subitement leur source de revenus. Personne n’est heureux dans ce contexte, mais la majorité des artistes qui se produisent ici ont conscience que le futur de l’opéra dépend de la survie de nos maisons. Nous sommes confrontés à de grands défis, et l’un des domaines dans lesquels mon équipe et moi-même avons une grande expérience est la captation de spectacles, ainsi que la production de contenus pour internet et d’autres moyens de distribution numérique. L’initiative que j’ai prise de retransmettre des représentations dans les cinémas a remporté un grand succès, et a participé à enraciner cette compagnie dans l’esprit des spectateurs du monde entier. Le Met a, d’ailleurs, toujours été un pionnier en la matière. En 1931, mon illustre prédécesseur, Giulio Gatti-Casazza, avait lancé, en réponse à la «Grande Dépression», et pour gagner un soutien plus large pour le théâtre, une série de retransmissions radiophoniques de la matinée du samedi, qui a vraiment capté l’imagination des auditeurs. Nous ne faisons aujourd’hui que suivre ses traces, pour aider à renforcer la relation entre l’institution et son public. Depuis que nous avons arrêté de produire des spectacles, en mars dernier, plus de douze millions de personnes ont regardé nos diffusions quotidiennes en streaming, dont cent quarante-cinq mille nouvellement inscrites dans notre base de données. Et nous avons gagné trente mille donateurs ! Ce type d’initiative, tout comme le «At-Home Gala» du 25 avril, vu par sept cent mille spectateurs en l’espace de vingt-quatre heures, et la nouvelle série de récitals «Met Stars Live in Concert», lancée avec Jonas Kaufmann, le 18 juillet, comptent parmi nos efforts pour établir le lien entre les artistes et les spectateurs, à la façon d’une agence matrimoniale ! Même si la maison est actuellement en sommeil, le personnel administratif et le département du planning artistique examinent tous les scénarios possibles pour le futur. Dans une situation de crise, on apprend à faire les choses différemment. Même si cette institution emploie trois mille personnes, elle peut être flexible quand c’est nécessaire. Je me projette au-delà du printemps, dans la saison 2021-2022, et la suivante. Nous devons être plus innovants, pleins de ressources dans notre programmation. L’année dernière, nous avons constaté un changement dans notre public, dont la fraction la plus âgée, celle des abonnés, diminue au profit de spectateurs plus jeunes. Et les plus grands succès de cette saison, qui s’est interrompue en mars, ont été Akhnaten de Philip Glass et Porgy and Bess, grâce auxquels nous avons rempli la salle. Le Met doit s’appuyer sur des œuvres en rapport avec notre société en pleine mutation, pour que l’opéra survive sur les plans artistique et économique, qui vont bien sûr de pair. »

Dialogue avec l’état

Après cette leçon, mieux, ce cours magistral délivré sur un ton austère, la situation de l’Opéra National de Paris, qu’une succession de crises sans précédent a mis « à genoux  », pour reprendre l’expression employée par son futur ex-directeur dans les colonnes du Monde, n’en paraît que plus critique. D’autant que l’annonce du départ anticipé de Stéphane Lissner – pourtant évoqué dans la presse italienne dès l’automne 2019 – a pu, au sein même de la maison, faire l’effet, sinon d’une bombe, du moins d’une grenade dégoupillée à l’improviste. Nommé directeur général adjoint en même temps qu’Alexander Neef directeur général, en juillet 2019, avec pour mission d’assurer la transition, Martin Ajdari tempère, et déroule les prochaines étapes (6).

« L’Opéra National de Paris n’a pas accueilli de public entre le 10 mars et le 13 juillet, mais a démultiplié la diffusion sur les réseaux numériques de ses offres – les captations audiovisuelles d’œuvres, à raison d’une par semaine ; les sorties régulières de films de la 3e Scène, et le lancement en avril d’Aria, sa plateforme ludo-éducative de familiarisation avec les univers de l’opéra et du ballet. Nous avons, un temps, espéré pouvoir reprendre les spectacles avant la fin de la saison, mais il a fallu se rendre à l’évidence, quand le confinement a été prolongé jusqu’au 11 mai, que les conditions ne seraient pas réunies. Les incertitudes et contraintes pesant sur notre capacité à jouer normalement dès le mois de septembre – parce que les danseurs, notamment dans les grands ballets, se produisent en contact étroit, que les chœurs sont parfois une centaine en rangs serrés, et que les musiciens sont littéralement confinés dans la fosse, sans parler de la capacité des artistes internationaux à rejoindre nos théâtres – ont conduit Stéphane Lissner à considérer qu’il valait mieux, pendant cette période particulièrement complexe, anticiper les travaux. Leur première phase était initialement prévue entre la fin de sa dernière saison et le début de la première d’Alexander Neef, et leur seconde en 2024, afin de gagner du temps de jeu en 2021. En considérant ce qui était du domaine du possible, tant du point de vue du délai dont nous disposions que de celui dans lequel les prestataires pouvaient répondre, il a été décidé de procéder à la rénovation du pilotage du cintre du Palais Garnier, et, à l’Opéra Bastille, à la réfection d’une partie des podiums de la scène, ainsi qu’à la modernisation de l’outil informatique du pilotage du cintre. La programmation normale reprendra fin novembre à Bastille, puis en janvier à Garnier, sauf si le contexte sanitaire ne le permet pas. Dans l’intervalle, sur un mode plus économe de nos moyens, mais ambitieux dans le contact avec le public, l’avant-scène de Garnier, qui reste disponible, sera étendue, afin de proposer des concerts de -l’Orchestre et du Chœur, ainsi qu’une programmation chorégraphique variée, faisant intervenir des effectifs moins nombreux. Cette offre reposera essentiellement sur nos forces artistiques internes, dès lors que nous disposons de notre plein potentiel, en l’absence de recours au chômage partiel. Compte tenu de la disponibilité de l’Orchestre, nous avons aussi essayé de répondre au souhait, partagé par tous, que le mandat de Philippe Jordan, en tant que directeur musical, puisse s’achever sur le projet majeur incarné par Der Ring des Nibelungen, dont la production scénique a été interrompue, au printemps, dès le premier volet (Das Rheingold). Nous avons donc regardé comment il serait possible d’intégrer la programmation de cette œuvre, en version de concert, au schéma de reprise de Bastille, à côté d’une programmation riche en spectacles d’opéra (La traviata, Carmen) et de ballet (La Bayadère). »

Des grands classiques, donc, qui ont sans doute pour but de renflouer les caisses de l’institution, vidées par des annulations en cascade. « Dès avant la crise sociale de l’hiver dernier, l’équilibre économique de l’Opéra était fragile, poursuit Martin Ajdari. Ses charges, notamment celles liées aux salaires, augmentent, en effet, de manière continue. En Allemagne ou en Autriche, la subvention versée par l’État et les collectivités publiques accompagne cette progression, alors que celle de notre maison a diminué de 15 millions d’euros depuis 2010, soit, en tenant compte de l’inflation, de l’ordre de 25 % ! Par ailleurs, le mécénat a atteint ses limites, du fait d’une réglementation fiscale moins favorable, et la billetterie ses plafonds, en particulier si l’on considère le prix des places de certaines reprises, dont le public est moins large. Les pertes liées aux grèves se sont élevées à 15 millions, et la crise sanitaire devrait générer un déficit estimé, à ce stade, à plus de 40 millions. Nous n’aurons donc plus de fonds de roulement, à la fin de l’année. Or, il va falloir se projeter sur 2021 et au-delà, avec une situation économique qui va forcément affecter les mécènes, le pouvoir d’achat d’au moins une partie des spectateurs, ainsi que la propension de public international à se déplacer. Avec, d’une part, une absence de réserves, et, d’autre part, une diminution, au moins transitoire, de nos ressources propres – indispensables à l’équilibre de nos finances, puisque le taux de subvention, de 40 %, ne couvre même pas les charges fixes –, notre dialogue avec l’État sera déterminant. Celui-ci a annoncé, à plusieurs reprises, au printemps, en conseil d’administration, qu’il nous soutiendrait. Mais selon quelles modalités ? Et quel équilibre pour les prochaines années, entre les projets artistiques et les moyens engagés ? Cette discussion doit avoir lieu. Le ministère de la Culture avait d’ailleurs demandé, en juin, à Alexander Neef, outre sa mission de préparation des saisons futures, de réfléchir dès maintenant à un réexamen du modèle économique, social et d’organisation de l’Opéra. La ministre de la Culture, dont l’attachement à notre maison est bien connu, accordera sans doute à ces questions une attention et une attente toutes particulières. »

Optimisme

Quelques semaines avant sa nomination surprise, Roselyne Bachelot était d’ailleurs présente, le 24 juin, parmi une quarantaine de « happy few », sur la scène de l’Opéra-Comique, pour le concert de la Maîtrise Populaire, dont la centaine de membres étaient disséminés entre parterre et balcons, respect des règles sanitaires oblige. Face au Goliath chancelant qu’est la « Grande Boutique », la Salle Favart fait ainsi figure d’ingénieux David.

« Le mot d’ordre est de rester optimiste, comme nous l’avons été jusque-là, assure, et rassure, Olivier Mantei, son directeur (7). C’est ce qui nous a permis d’ouvrir fin juin-début juillet, avec la Maîtrise Populaire, puis le Cabaret horrifique de Valérie Lesort, en inversant la scène et la salle, pour que le public ne se sente pas perdu dans un espace réduit à un quart de sa jauge, où l’énergie ne serait pas passée avec les artistes. Il faut toujours viser la meilleure solution, et s’adapter en fonction des mauvaises nouvelles qui peuvent arriver. Avec des productions comme la Petite Balade aux Enfers et Le Bourgeois gentilhomme, que nous présenterons en septembre, notre modèle peut tenir avec une demi-jauge. Mais s’il faut réduire davantage, les choses seront plus compliquées : il est impossible de fonctionner ainsi toute une saison, économiquement et éthiquement. Nous sommes un théâtre lyrique, pas un cabaret ! Pour Hippolyte et Aricie, en novembre, dont les effectifs musicaux sont beaucoup plus importants, nous tablons sur un remplissage normal. Néanmoins, ce projet est confié à des artistes – Raphaël Pichon et Jeanne Candel – inventifs, mobiles, réactifs, qui seraient à même de mener une réflexion pour inventer des solutions sans perdre en intégrité artistique. Car l’enjeu est bien de s’adapter aux contraintes sanitaires, sans renier notre ambition. La formule consiste à ne proposer, en période de crise, que ce que nous aurions accepté de montrer par beau temps. Autrement, c’est prendre le risque de mettre en péril la relation avec le public. D’autant que celui-ci a manifesté beaucoup d’empathie à notre endroit. À l’instar de nos partenaires et de la tutelle. La manière dont la crise a été gérée par le ministère et, plus largement, le gouvernement, a été très critiquée, mais je peux vous assurer que tous mes homologues étrangers, européens et américains, nous envient. Nous avons eu la chance de bénéficier d’une prise en charge incroyable. Si l’on peut attendre d’un pouvoir qu’il nous montre la voie, le directeur de salle doit comprendre qu’il est seul responsable. Les orientations des autorités n’ont pas à se substituer aux décisions qu’il lui incombe de prendre. »

Viabilité

Modéré dans ses propos, lors de notre précédent entretien (voir O. M. n° 162 p. 18 de juin 2020), Loïc Lachenal s’est depuis montré plus offensif envers les pouvoirs publics, montant au créneau pour réclamer davantage de clarté de leur part. Parce que sa position, en tant que président du syndicat professionnel Les Forces Musicales, davantage que comme directeur de l’Opéra de Rouen Normandie, se doit de refléter les questions qui, à travers lui, ne peuvent que tarauder l’ensemble de la profession, dont le moral et la patience jouent au yoyo.

« Le temps tourne, il presse même, prévient-il (8). On nous avait bien annoncé, dans le courant du mois de mai, que l’hôtellerie, la restauration et la culture seraient les derniers secteurs à disposer d’informations, et à pouvoir redémarrer. Mais alors que les hôtels, les cafés, les restaurants ont eu leurs protocoles et leurs mesures économiques d’accompagnement, nous sommes toujours au point mort. Nous avons tous beaucoup travaillé sur les règles de distanciation, et avons essayé, là où nous avons des orchestres, de reprendre une forme d’activité. Mais ces concerts ne sont absolument pas tenables sur une saison entière. Pour l’opéra, nous sommes aujourd’hui devant d’énormes problèmes, parce que nous n’avons pas avancé globalement d’un iota sur les questions de l’orchestre dans la fosse, des chœurs, etc. Nous avons besoin de signaux ! La nomination de Roselyne Bachelot au ministère de la Culture a été accueillie avec un certain enthousiasme. Ce poste requiert, en effet, non seulement de la personnalité, mais surtout une capacité à peser dans les décisions interministérielles, et à obtenir de bons arbitrages. Roselyne Bachelot n’a plus rien à perdre. Et elle possède cette liberté de ton et cette passion qui laissent à penser qu’elle est le poids lourd que tout le secteur attendait. Le problème n’est pas que Franck Riester ait manqué de volontarisme – nous avons beaucoup été en lien avec ses services, notamment les derniers temps, et les choses avançaient vite et bien. Mais les décisions ne relèvent pas seulement du ministère de la Culture : elles doivent être validées par les plus hautes instances sanitaires. Que pourra plaider Roselyne Bachelot ? Quelle sera sa marge de manœuvre ? Je n’en sais rien. Par ailleurs, le simple appel d’air que crée un changement de ministre – parce qu’il faut renouveler tout le cabinet, reprendre les dossiers – nous fait perdre encore un peu plus de temps. Nous sommes au milieu de l’été, et toutes nos interrogations demeurent sur la façon dont va se passer la rentrée. Certaines maisons ont eu la possibilité de changer leur programmation, remplaçant un titre par un autre pour alléger les plateaux. Mais la grande majorité n’a pas vraiment pu s’adapter, car personne ne s’imaginait que la crise allait durer si longtemps. Nous avons tous prévu un scénario alternatif, mais prendre une décision aussi radicale que d’annuler une production a tellement de conséquences… La pression du secteur privé va peut-être conduire à un assouplissement des consignes en matière d’accueil du public, mais qu’en sera-t-il des règles de travail sur le plateau ? Chaque protocole de reprise doit être discuté, car nous prenons, en tant qu’employeurs, la responsabilité d’exposer nos personnels à un risque plus ou moins élevé. Pour Tannhäuser à Rouen, à partir du 27 septembre, je suis en train de réfléchir à sortir l’orchestre de la fosse, et à l’installer en partie au parterre, parce que la configuration du Théâtre des Arts le permet. Mais je perdrai cinq cents places – et peut-être faudra-t-il revoir le calendrier pour rajouter une représentation. Nous n’avons pas fini de recomposer nos saisons – d’autant qu’il est possible que des productions doivent s’arrêter du jour au lendemain, pour des mises en quarantaine liées à des cas d’infection. Je sais que, d’une manière ou d’une autre, je pourrai présenter les projets prévus à la rentrée, mais jusqu’à quel point est-il viable de jouer devant sept cents personnes au lieu de mille deux cents ? Jusqu’à présent, nos institutions ont quand même bien résisté, dans la mesure où elles ont pu accompagner, avec vigilance et solidarité, les artistes et techniciens vivant de leur métier, et rembourser les spectateurs. Il n’en résulte pas moins une fragilité économique, parce que nous avons puisé dans nos réserves. La relance du secteur exige un vrai plan d’investissement, afin que nous ne soyons pas forcés de présenter des productions très réduites, à partir de 2021. L’aspect encourageant de cette crise réside dans les marques d’attention reçues de la part du public. Il s’est manifesté d’une manière très chaleureuse, et plus encore quand nous avons pu reprendre une partie de l’activité. À Rouen, nous avons encouragé ceux qui le souhaitaient à accepter le remboursement, et à nous faire ensuite un don au titre du mécénat individuel, qui crée un lien important avec la structure. »

L’horizon, de toute évidence, demeure incertain. Mais aux conséquences de la crise sanitaire, que personne ne peut encore évaluer, s’est ajoutée, comme en sourdine, au soir du second tour des élections municipales, une nouvelle menace, avec la victoire dans quelques grandes villes, dont Lyon et Bordeaux, de candidats écologistes rien moins que bien disposés envers l’opéra. « Des propos ont été tenus, citant des institutions que nous représentons, s’inquiète Loïc Lachenal. L’exemple grenoblois, d’un maire écologiste dont les choix ne correspondent pas tout à fait à la politique culturelle dans laquelle nos maisons se sont inscrites depuis des années, incite à la vigilance. Aujourd’hui, toutes les structures concernées ont envie de collaborer avec les équipes nouvellement élues pour faire connaître la valeur de leur travail, bien souvent ignoré des politiques accédant aux responsabilités pour la première fois. Les maisons d’opéra n’ont absolument pas à rougir de leurs programmes d’action culturelle, de transmission et d’éducation. Je suis confiant par rapport à la qualité de la tâche qu’elles accomplissent, et ne veux pas imaginer qu’elles puissent êtres menacées. »

Nul doute, si cette « bataille des Verts » devait avoir lieu, que nos vénérables théâtres lyriques, attachés envers et contre tout à la défense, mieux la régénérescence, d’un art vieux de plus de quatre siècles, sauront, ébranlés mais renforcés par la crise sanitaire, apporter la plus flamboyante des ripostes !

MEHDI MAHDAVI

(1) L’entretien avec Joan Matabosch a été réalisé le 8 juillet.

(2) L’entretien avec Fortunato Ortombina a été réalisé le 22 juillet.

(3) L’entretien avec Aviel Cahn a été réalisé le 7 août.

(4) L’entretien avec Peter de Caluwe a été réalisé le 8 juillet.

(5) L’entretien avec Peter Gelb a été réalisé le 8 août.

(6) L’entretien avec Martin Ajdari a été réalisé le 15 juillet.

(7) L’entretien avec Olivier Mantei a été réalisé le 14 juillet.

(8) L’entretien avec Loïc Lachenal a été réalisé le 13 juillet.

PHOTO : Contrôle des billets à l’entrée de l’Odéon d’Hérode Atticus, à Athènes. GNO/A. SIMOPOULOS

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