Comptes rendus Rentrée lyrique : le ciel s’éclaircit
Comptes rendus

Rentrée lyrique : le ciel s’éclaircit

02/09/2020

Depuis la parution de notre enquête dans notre numéro de septembre, de nouvelles précisions ont été apportées sur la manière dont s’effectuera la rentrée dans les théâtres lyriques, sur scène comme dans la salle. Loïc Lachenal, président du syndicat professionnel Les Forces Musicales, et directeur de l’Opéra de Rouen Normandie, les résume pour Opéra Magazine.

Après votre rencontre avec le Premier ministre et la ministre de la Culture, le 27 août, il semble que vous ayez enfin des éléments de réponse concernant les conditions dans lesquelles la rentrée va s’effectuer dans les théâtres lyriques…

Je tiens d’abord à souligner le changement complet de climat auquel nous assistons. Sauf erreur, c’est la première fois qu’un Premier ministre se déplace au ministère de la Culture pour rencontrer les acteurs du spectacle vivant. Avec nous, Jean Castex a été à la fois direct et à l’écoute. J’ai également beaucoup apprécié le respect dont il faisait preuve envers Roselyne Bachelot quand elle émettait un avis ou une proposition, et l’appui qu’il lui apportait. On a l’impression que, cette fois, Matignon a vraiment décidé de s’occuper du secteur de la culture ! Pour ce qui est de Roselyne Bachelot, que nous avons de nouveau rencontrée ensuite, je ne peux que mettre à son crédit ses capacités d’écoute par rapport à ce que nous pouvons – et voulons – faire. On sent chez elle une véritable envie de nous accompagner. Et c’est un vrai réconfort pour la profession.

La question de la jauge était au cœur des discussions. Combien de spectateurs les théâtres pourront-ils accueillir dans les semaines qui viennent ?

Pour les maisons situées dans des départements en zone verte, ce qui est le cas de l’Opéra de Rouen Normandie, que je dirige, il n’y aura aucune mesure de distanciation physique imposée entre les spectateurs, bien évidemment masqués pendant toute la durée du spectacle. Pour le Tannhäuser qui sera donné au Théâtre des Arts, à partir du 27 septembre, le public sera assis normalement aux balcons, avec l’orchestre occupant l’intégralité de ce qui est d’ordinaire le parterre. Je perds évidemment 600 places, mais j’en conserve 700, et j’ai ainsi la possibilité de jouer Tannhäuser sans avoir à attaquer l’intégrité de l’œuvre pour respecter les contraintes sanitaires. Aucune réduction de l’effectif instrumental, donc. Pour ce qui de l’action proprement dite, elle se déroulera traditionnellement sur le plateau.

Et qu’en est-il des théâtres dans les zones rouges, tels que les maisons parisiennes, les Opéras d’Avignon, Bordeaux, Lyon, Marseille, Montpellier, Toulon, ou encore Toulouse ?

Ces théâtres doivent appliquer les règles d’espacement entre les spectateurs ou groupes de spectateurs ayant réservé ensemble. Spectateurs masqués, là encore, bien sûr. Selon les salles, cela revient à accueillir entre 50 et 70 % de la jauge globale. Le problème est surtout pour les services de billetterie, qui sont, en ce moment, confrontés à un vrai casse-tête. Les logiciels, en effet, sont programmés pour attribuer des sièges précis : rang B, place 6 ; rang F, place 22… Avec la contrainte de la distanciation physique, il ne va pas toujours être possible de respecter cette attribution. Et les gens seront susceptibles de se voir attribuer un siège différent de celui qu’ils avaient acheté, bien évidemment dans la même catégorie de réservation.

La décision de ne pas mettre en vente un certain nombre de places entraîne inévitablement une baisse des recettes de billetterie. Les théâtres lyriques sont-ils concernés par le mécanisme de compensation par l’État des pertes d’exploitation liées à la distanciation physique ?

C’est un mécanisme qui concerne prioritairement le secteur privé. Les théâtres subventionnés pourront éventuellement en bénéficier, mais les modalités restent encore à définir. Sur les 2 milliards d’euros annoncés pour l’ensemble du secteur culturel à l’intérieur du plan de relance, 432 millions seront affectés au spectacle vivant, dont 200 au spectacle vivant subventionné. La manière dont ils seront ensuite ventilés n’est pas décidée pour l’instant.

On parle beaucoup de distanciation physique entre les spectateurs. Mais qu’en sera-t-il entre les artistes sur le plateau ?,

Pour les professions artistiques, un décret vient d’être publié, spécifiant, en gros, que la distanciation physique ne s’applique pas dès lors qu’elle n’est pas concevable. A nous, directeurs de théâtre, de définir ce que cela signifie, en termes de sécurité et de responsabilité. Il nous faut encadrer le risque, en mettant en place des protocoles à la fois stricts et compréhensibles par tout le monde. Jean Castex a beaucoup insisté sur cette notion de clarté, comme d’ailleurs sur la question des jauges. À Rouen, où nous avons commencé les répétitions de Tannhäuser avec les solistes, certaines se déroulent masquées, d’autres pas. Pour celles-ci, nous avons prévu des dispositifs pour éviter de faire courir le moindre risque aux artistes. Notre souci est de les isoler du reste de la maison, de les protéger par tous les moyens d’une contamination éventuelle. Il va sans dire que, pendant les trois représentations, ils chanteront sans masque !

Quelles seront les conséquences sur la mise en scène de David Bobée ?

Nous entamons à peine les répétitions. Il nous reste près de quatre semaines jusqu’à la première. Tout se construira au fur et à mesure, comme pour les chœurs, d’ailleurs. Avec un impératif, je le répète, que tout le monde se sente en sécurité dans le travail.

Propos recueillis par RICHARD MARTET

PHOTO © MARION KERNO

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