Comptes rendus Jaroussky au zénith
Comptes rendus

Jaroussky au zénith

24/11/2020

Philippe Jaroussky : La vanità del Mondo – Oratorio Arias

Neuf compositeurs, douze airs, dont cinq inédits, et, à côté du célébrissime « Lascia la spina » d’Il trionfo del Tempo e del Disinganno de Haendel (1707), pour la plupart des raretés, même s’il existe pour plusieurs des versions intégrales. Le tout majoritairement dans le premier tiers du XVIIIe siècle, hors La conversione di Sant’Agostino de Hasse (1750).

Le panorama, d’un peu plus de soixante-dix minutes, est richement contrasté et offre, dans une anthologie très soigneusement montée, un peu comme une suite d’exercices de piété. Sans rien de la monotonie qu’on aurait pu craindre, alternent ainsi discours apaisants, solennels ou vengeurs, méditation ou calme résignation, dans les tempi les plus variés.

Le disque s’ouvre avec l’air d’Isaac, extrait d’Abramo de Pietro Torri (1731), et se conclut sur celui de Marie de Jacob pleurant la mort de Jésus, tiré de Morte e sepoltura di Christo d’Antonio Caldara (1724). Au milieu, prennent notamment place l’apostrophe de Dieu à Moïse, venue de Dio sul Sinai de Fortunato Chelleri (1731), et le lamento du Messager dans Il faraone sommerso de Nicola Fago (1709).

Très bellement coloré, l’ensemble Artaserse est mieux qu’irréprochable, avec un impeccable mordant des cordes, sans acidité, par exemple pour un furieux assaut contre les impies, d’une virtuosité folle, chez le Caldara d’Assalonne (v. 1720), un inédit de poids. Superbement enregistrée (prise de son de studio, en juin 2020), sans réverbération excessive, la phalange de seize musiciens offre un parfait équilibre, sous la direction de Philippe Jaroussky-chef.

Que dire de Philippe Jaroussky-chanteur ? La pure beauté de l’instrument, la perfection du legato, l’intelligence du texte, toutes les qualités du contre-ténor français sont à leur sommet, tenant d’un bout à l’autre sous le charme, émouvant à la fois par le niveau de l’interprétation et le contenu même des œuvres, l’un et l’autre faisant rayonner une haute spiritualité. Sans morosité ni austérité, pour autant : l’air tiré de La vanità del Mondo de Torri (1706), qui donne son titre à l’album, est ainsi un chant libératoire et jubilatoire, pour chasser les « pene funeste ».

Avouons être légèrement moins convaincu par la sinfonia accompagnant la résignation du prophète dans l’extrait de La decollazione di San Giovanni Battista d’Antonio Maria Bononcini (1709), qui sollicite plus qu’ailleurs, et avec succès, le bas du registre. On appréciera pleinement, en revanche, le talent de l’acteur, particulièrement dans la grande scène de Hasse susmentionnée, qui tranche sur l’ensemble par sa virtuosité moindre, ses longs élans lyriques et son dramatisme.

Au total, un pur moment de bonheur, unissant recueillement, joie, et apaisement : on y reviendra avec autant de plaisir que de profit !

1 CD Erato 0190295179298

FRANÇOIS LEHEL

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