Comptes rendus Flûte moins enchantée à Paris
Comptes rendus

Flûte moins enchantée à Paris

02/02/2021

Opéra Bastille/L’Opéra chez soi, 22 janvier

La quatrième reprise de cette production de Robert Carsen, présentée in loco en 2014 (voir, en dernier lieu, O. M. n° 151 p. 60 de juin 2019), aura donc été menée à terme, mais seulement pour la retransmission, en direct et en streaming, sur la propre plateforme numérique de l’Opéra National de Paris (L’Opéra chez soi, disponible pendant un mois), de l’unique représentation du 22 janvier 2021, sans public évidemment. À l’état brut aussi, y compris le décompte d’horloge des trente minutes d’entracte devant un écran fixe.

Le spectacle en souffre très sensiblement, malgré l’honnêteté du filmage de Jérémie Cuvillier. Particulièrement dommageable : le sacrifice de cette forêt qui ne paraît, le plus souvent, que simple toile de fond, en aplat, sans qu’on puisse deviner ses transformations progressives et ses effets de profondeur, pour le splendide changement progressif des saisons, au II.

Avec la tâche difficile de succéder au flamboyant Florian Sempey, Alex Esposito, en très bonne voix, campe un Papageno robuste et viril, sans contorsions ni bouffonneries, mais pour autant à la forte personnalité, et d’une étonnante virtuosité d’allemand dans les dialogues.

Présente dès 2014, Sabine Devieilhe reste une admirable Reine de la Nuit, colorature toujours parfaite, et personnage coulé dans la production, mais d’elle-même excellente actrice, passionnée et émouvante. De retour aussi, pas complètement idiomatique, ni avec tout à fait les basses profondes requises, le Sarastro majestueux de Nicolas Testé garde sa même placide assurance.

Au premier rang des nouveaux, Cyrille Dubois, toujours intensément et très bellement engagé, dessine un Tamino d’une bonne volonté quelque peu naïve, malgré ses souffrances bien réelles. Irréprochable par ailleurs, mais parfois très appuyé, l’extrême aigu le voit à ses limites, avec quelques petits dérapages dans le finale du I.

Malgré la beauté de son médium fruité, la touchante Pamina de Julie Fuchs est légèrement en retrait, sans pourtant démériter : avec un « Ach, ich fühl’s » qui peut gagner encore en qualité de phrasé, et un peu timide aussi dans la caractérisation du personnage. Mélissa Petit donne sans mal toute sa saveur à une Papagena bien servie par la production.

Côté hommes, si Martin Gantner reste un solide Orateur, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke offre un Monostatos sans surprise – et sans le piquant que lui apportait Mathias Vidal. Côté femmes, on admire un trio de Dames bien mordant et homogène, mené par la très séduisante Tamara Banjesevic. Sans être excessivement puriste, on pourra regretter la présence d’une charmante jeune fille au milieu des excellents Génies.

Cornelius Meister donne une lecture impeccable, mais très rapide, voire assez sèche, avec un orchestre irréprochable, mais des chœurs qui (est-ce le port du masque ?) n’atteignent pas à la qualité de leurs prestations précédentes.

FRANÇOIS LEHEL

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/CHARLES DUPRAT

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