Comptes rendus Splendide Pelléas à Rouen
Comptes rendus

Splendide Pelléas à Rouen

05/02/2021

Théâtre des Arts/YouTube, 26 janvier

Cette production de Pelléas et Mélisande, mise en scène par Éric Ruf, a été créée au Théâtre des Champs-Élysées, en mai 2017 (voir O. M. n° 130 p. 57 de juillet-août), avant de faire l’objet d’une première reprise à Dijon, en novembre 2019 (voir O. M. n° 157 p. 35 de janvier 2020). L’Opéra de Rouen Normandie, ne pouvant plus accueillir de public en raison des contraintes sanitaires, a heureusement choisi d’en effectuer une captation vidéo, visible sur différents canaux, dont YouTube.

La réalisation de Jean-Pierre Loisil offre une vision différente du spectacle, par rapport à ce que nous avions pu voir dans la salle. Elle privilégie, en effet, le gros plan, la proximité, mettant pleinement en valeur la sombre beauté des costumes de Christian Lacroix. Pour autant, la vision d’Éric Ruf – confiée ici, comme à Dijon, aux bons soins de Julien Fisera –, basée sur la fascination de l’élément liquide, demeure intacte dans sa noblesse et sa pertinence dramatique.

Le baryton britannique Huw Montague Rendall, outre un français parfait, possède un physique juvénile, presque gracile. La voix sonne ferme, homogène, impeccablement conduite, avec des accents poétiques et une fièvre qui s’inscrivent bien dans la trajectoire identitaire de Pelléas.

La Mélisande d’Adèle Charvet le suit de près, même si le personnage manque encore, pour cette prise de rôle, de mystère et d’abandon. Le matériau vocal, d’une belle plasticité, se situe à son meilleur dans la scène de la tour, où le lyrisme et la musicalité de la jeune mezzo française peuvent s’exprimer avec plus de force que dans les parties plus retenues.

Nicolas Courjal aborde Golaud avec toute l’expérience acquise au fil des ans, et surtout une voix qui sonne de façon magnifique, du grave puissant à l’aigu rayonnant. Son interprétation laisse percevoir les déchirements extrêmes du personnage, ses colères rentrées, son humanité bousculée.

Autre prise de rôle, celle de Lucile Richardot en Geneviève. Son mezzo aux accents cuivrés et au timbre resplendissant, sa ligne de chant, donnent toute son importance à cet emploi bien trop court. Déjà présent au TCE, Jean Teitgen s’éloigne des Arkel cacochymes et un rien sentencieux trop souvent proposés, et sa remarquable voix de basse semble avoir encore gagné en ampleur. Enfin, Anne Sophie Petit incarne un Yniold tout de fraîcheur et d’innocence, confronté au monde sans concession des adultes.

À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie et du Chœur de l’Opéra de Dijon, Pierre Dumoussaud offre une lecture lumineuse et sensible de la partition. Aucune pesanteur, aucune outrecuidance, mais un souci constant du respect de la beauté de la musique et de son intégrité, le tout baignant dans un climat où la théâtralité inhérente à l’ouvrage se trouve comme magnifiée.

JOSÉ PONS

PHOTO © ARNAUD BERTEREAU

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