Comptes rendus Bravo Don Pasquale à Tours !
Comptes rendus

Bravo Don Pasquale à Tours !

10/02/2021

Grand Théâtre, 31 janvier

Qui dira jamais les vertus de la contrainte ? La sévérité instituée nous apprend les propriétés insoupçonnées de l’espace. Quand on disait, à l’époque de la conquête spatiale, que des hommes avaient été dans l’espace, il semblait au philosophe s’y être toujours trouvé lui-même. Depuis cette époque lointaine, l’espace est invoqué (à tout bout de champ ?) entre distanciation et confinement.

Lorsque Laurent Campellone a pris en charge la direction générale de l’Opéra de Tours et de l’Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire, en septembre 2020, il a compris que Don Pasquale devrait lancer sa saison inaugurale : un chef-d’œuvre de finesse, d’entrain et de beau chant, avec cinq personnages et peu d’interventions du chœur.

La mise en espace, assurée par Nicola Berloffa, exerce une direction précise des solistes de cet « opera buffa », le dernier de la tradition italienne. L’orchestre au complet occupe non seulement la fosse, mais aussi la moitié du parterre, le chef situé au centre de la salle. Les choristes sont placés à l’arrière-scène, derrière un rideau noir, et révélés à travers une gaze transparente lors de leurs apparitions.

Frédéric Chaslin dirige les derniers raccords de cette générale – accessible seulement à une poignée de spectateurs (presse locale et musicale), mais filmée –, puis les deux premiers actes ; il offre une pause avant le troisième et prodigue quelques commentaires. L’acoustique inhabituelle, l’importance de la masse orchestrale, dans une salle de huit cents places vidée de son public, expliquent ses efforts pour équilibrer et éviter de couvrir les voix. Il y parvient en respectant le galbe des phrases et ce qu’il faut d’alacrité.

Sur le plateau, devant le rideau noir, deux fauteuils rouge et or. Le feu de l’action incombe aux chanteurs. La prise du rôle-titre par Laurent Naouri marquera. Il évite la charge ordinaire des basses bouffes et campe un célibataire amaigri, inquiet, parfois inquiétant. Créateur de Vautrin dans Trompe-la-Mort de Luca Francesconi, à l’Opéra National de Paris, en 2017, et bientôt Falstaff, à Bordeaux, Laurent Naouri passe habilement de la volubilité à la déploration pitoyable.

Ce Don Pasquale a mis au point mimiques et rires inattendus, et son partenaire Malatesta a quelque mérite à se garder de pouffer pour de bon dans les duos. Florian Sempey s’impose dès un superbe « Bella siccome un angelo » et les conseils qu’il prodigue à Norina.

Anne-Catherine Gillet, une fois les premières phrases maîtrisées, excelle dans la vocalisation, les tempi enlevés et l’invective de son coup d’État domestique. Le répertoire belcantiste convient-il à la vocalité de Sébastien Droy ? Ce fin ténor, émouvant Chevalier de la Force dans Dialogues des Carmélites, n’entre pas immédiatement dans le lyrisme direct d’Ernesto.

François Bazola est un Notaire prégnant. Et le Chœur de l’Opéra de Tours, fantomatique dans ce dispositif scénique, ne ménage rien pour évoquer les comparses, domestiques, marchandes de modes, etc.

Tous font preuve d’un engagement héroïque, et l’on se prend à penser avec eux « Bravo, bravo, Don Pasquale ! », annonce d’une issue heureuse pour le théâtre lyrique. Cette captation fera l’objet d’une diffusion en streaming, à des dates encore à déterminer.

PATRICE HENRIOT

© MARIE PÉTRY

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