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Comptes rendus

L’Instant Lyrique de Jessica Pratt à Paris

14/02/2021

Salle Gaveau, Salle Marguerite/YouTube, 6 février

La fermeture d’Éléphant Paname, où les récitals de « L’Instant Lyrique » avaient élu domicile, aurait pu compromettre l’excellent travail mené par Richard Plaza et son équipe. C’était compter sans leur ténacité et leurs soutiens, qui leur ont permis de se replier Salle Gaveau. Le 55e numéro de la série a ainsi été filmé à huis clos et retransmis en direct sur YouTube, inaugurant la toute nouvelle Salle Marguerite, écrin d’une centaine de places, aménagé au cinquième étage du bâtiment.

Jessica Pratt n’a pas pris ces retrouvailles avec le public parisien à la légère, offrant un récital de près d’une heure et demie de musique, entièrement consacré à Bellini et Donizetti. Voix large, timbre éthéré et technique virtuose, la soprano anglo-australienne se glisse, à pas feutrés, dans le costume d’Elvira d’I puritani : d’abord touchante et pathétique dans « O rendetemi la speme », elle se fond ensuite dans le doux rêve éveillé de « Qui la voce sua soave », avant de s’exalter dans le brillant « Vien, diletto », délicatement ornementé.

Suit l’air « Madre ! deh placati » d’Emilia, issu d’Emilia di Liverpool (Naples, 1824), « dramma semiserio » révisé en 1828 et rebaptisé L’eremitaggio di Liverpool. À cette rareté donizettienne bienvenue, succède la longue scène de démence de Linda, tirée de Linda di Chamounix, avec sa cabalette richement décorée (« No, non è ver… Mentirono »). L’acuité vocale est au rendez-vous, ainsi que l’identification au personnage, à ce moment précis de l’action.

La sonnambula, après un « Ah ! non credea mirarti » conduit avec justesse, mais n’illustrant pas vraiment l’état d’isolement et de lévitation d’Amina, voit la soprano davantage à son affaire dans l’explosion de joie de « Ah ! non giunge », aux coloratures aériennes.

La célébrissime scène de folie de Lucia – Lucia di Lammermoor est l’un des chevaux de bataille de la cantatrice – achève le programme. Mais il faut attendre le dialogue avec la flûte (ici, les touches immatérielles du piano), pour que l’on croie enfin au délire mortifère dans lequel est plongée l’héroïne.

En bis, le pétillant « Glitter and be gay » de Cunegonde, extrait du Candide de Leonard Bernstein, permet à Jessica Pratt, aussi insolente que drôle, de conclure avec éclat cet audacieux récital, accompagné par Antoine Palloc, fidèle entre les fidèles de « L’Instant Lyrique ».

FRANÇOIS LESUEUR

PHOTO © OLIVIA KAHLER

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