Comptes rendus Un Cosi pas comme les autres
Comptes rendus

Un Cosi pas comme les autres

22/04/2021

On redécouvre, avec joie, la production si particulière de ce Cosi fan tutte, donné sans entracte, et ramené à deux heures vingt, dont la divine surprise nous avait enchanté, au Festival de Salzbourg, à l’été 2020 (voir O. M. n° 165 p. 56 d’octobre) : sa fraîcheur, sa pureté de ligne, son décor unique d’une éclatante blancheur, dessiné avec une rare élégance et modulé par une subtile palette de lumières, et la pétulante jeunesse de la mise en scène de Christof Loy, qui secoue allégrement le joug de la tradition.

Le remarquable filmage de Michael Beyer la valorise par un montage judicieux de gros plans, ou même très gros plans, toujours d’une grande beauté, qui mettent encore plus en évidence une magistrale direction d’acteurs, et, avant tout, un duo de sœurs véritablement inspirées (il pourrait se résumer dans l’époustouflant duetto du II, « Prendero quel -brunettino », digne d’anthologie).

Marianne Crebassa est aujourd’hui souveraine en Dorabella, par la maîtrise de la plus fine nuance et l’intelligence d’une expressivité qui lui est tout à fait propre, comme par la chaleur du timbre et la perfection du phrasé. Elsa Dreisig lui est idéalement accordée en Fiordiligi, pour le contraste harmonieux, sur tous les plans, d’un type de beauté égale, mais toute différente, et d’une sensibilité à fleur de visage. Certes, « Come scoglio » est un peu en peine de graves, mais l’aigu conquérant est irrésistible, en particulier dans un très émouvant « Per pietà ».

Les deux garçons ne déméritent pas, même si le Guglielmo d’Andrè Schuen, d’un bronze sans faille, reste d’une expressivité limitée et si le sympathique Ferrando de Bogdan Volkov, toujours très estimable, et touchant à sa façon, est encore un peu vert pour « Un’aura amorosa ».

Lea Desandre, la plus sacrifiée par les coupures, se voit rendre belle justice à l’écran pour le dessin à la pointe, tout en intelligence subtile et mordante, de sa Despina, tandis que le très singulier Don Alfonso de Johannes Martin Kränzle, sans doute moins brillant vocalement, impose un personnage intériorisé, tourmenté et ému, que l’on n’oubliera pas.

À la baguette, la conquérante Joana Mallwitz, impétueuse au I, avec un splendide finale, n’assure pas tout à fait la même tension au II, mais l’incomparable orchestre (Wiener Philharmoniker), comme les parfaits chœurs (rejetés en coulisse) permettent de compenser.

L’ensemble continue d’enthousiasmer – sous la seule réserve, tout de même, qu’il s’agit, comme l’indique la plaquette, d’une « abridged version for the Salzburg Festival 2020 by Joana Mallwitz and Christof Loy ». Mais, à ce titre aussi, elle fait date, et prend sa place, unique, dans la vidéographie. Elle a été triomphalement accueillie, et on y prendra, à son tour, le plus grand plaisir.

FRANÇOIS LEHEL

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