Comptes rendus Sublime concert d’adieu à Paris
Comptes rendus

Sublime concert d’adieu à Paris

06/07/2021

Gigantesque concert, dans tous les sens du terme. D’abord, pour son programme : deux heures quinze de musique, entrecoupées d’un entracte, pour laisser aux spectacteurs le temps de reprendre leur souffle entre la si rarement jouée Faust-Symphonie de Liszt (Weimar, 1857) et le mystique troisième acte de Parsifal (Bayreuth, 1882). Ensuite, pour son résultat artistique, littéralement sensationnel.

Longuement ovationné aux saluts, Philippe Jordan quitte en beauté l’Opéra National de Paris, après douze années de mandat au poste de directeur musical (2009-2021). Dans la fresque lisztienne, dont les éclairs de génie ne font pas oublier les longueurs, on admire sa précision et son sens de l’architecture sonore. Mais c’est dans Parsifal que son talent explose, encore davantage qu’en 2018, au pupitre de la nouvelle production de Richard Jones.

Que de chemin accompli, pour rester dans l’univers wagnérien, depuis les frustrantes représentations de Die Walküre, à l’Opéra Bastille, en 2010, où l’impeccable mise en place laissait peu de place à l’émotion ! Dans le troisième acte de Parsifal, Philippe Jordan fait monter la température avec un sens aigu de la progression dramatique, jusqu’à une scène finale incandescente, qui laisse l’auditeur en extase. Du très, très grand art, avec le concours des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris, décidés à se surpasser pour les adieux de leur « patron » adoré, que Gustavo Dudamel remplacera au début de la saison 2021-2022.

Les Chœurs de l’Opéra, préparés par leur nouvelle cheffe, Ching-Lien Wu, se montrent également sous leur meilleur jour, dans le troisième mouvement de la Faust-Symphonie, comme dans les dernières vingt minutes de Parsifal. Et que dire de la brochette de solistes réunie par Philippe Jordan, sinon qu’elle est l’une des meilleures du moment ?

Eve-Maud Hubeaux est un luxe pour les deux mots et quelques grognements prononcés par Kundry. Mais qui s’en plaindrait, tant la mezzo franco-suisse leur confère un relief saisissant ? Mieux servi dans cet acte III, Peter Mattei confirme son Amfortas d’exception, d’une aisance vocale souveraine, dont les cris de désespoir arrachent le spectateur de son fauteuil.

Andreas Schager, après avoir rendu justice aux quelques phrases du ténor dans la Faust-Symphonie, donne le Parsifal que nous connaissons bien : facile dans l’aigu, expressif dans le phrasé, d’une bouleversante conviction dans l’accent. Largement de quoi faire oublier que le timbre de ce Siegfried d’anthologie manque du rayonnement nécessaire au « chaste fol ».

René Pape, enfin, en état de grâce, empoigne l’auditeur dès les premières phrases de Gurnemanz, pour l’entraîner dans un voyage inoubliable de beauté et d’intensité.

Le public quitte l’Opéra Bastille sur un petit nuage, convaincu d’avoir vécu un moment d’accomplissement unique. Philippe Jordan, visiblement ému par l’accueil de la salle, le beau discours d’Alexander Neef et les témoignages d’affection des instrumentistes, peut repartir heureux à Vienne. L’Opéra National de Paris, c’est confirmé, l’accueillera à nouveau au cours d’une prochaine saison, désormais en tant que chef invité.

RICHARD MARTET

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/ELISA HABERER

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