Comptes rendus Idomeneo globalement réussi à Munich
Comptes rendus

Idomeneo globalement réussi à Munich

13/08/2021

Prinzregententheater, 24 juillet

Troisième production d’Antu Romero Nunes à Munich, après Guillaume Tell et Les Vêpres siciliennes, cet Idomeneo n’apparaît pas moins respectable. À défaut d’une grande originalité d’approche, au moins le jeune metteur en scène allemand, né d’un père portugais et d’une mère chilienne, sait-il faire bouger ses chanteurs avec naturel : une traque perpétuelle des attitudes raides et des gestes convenus, une direction d’acteurs tellement peu appuyée qu’elle se fait oublier. De surcroît, Nunes sait aussi très bien s’entourer, pour des projets d’une réelle beauté visuelle.

Cette fois, le choix s’est porté sur Phyllida Barlow, 77 ans, qui n’avait jamais participé à un opéra. Les sculptures de grand format de la plasticienne britannique ont beaucoup d’allure : matériaux hétéroclites, comme échoués après un long séjour dans l’eau de mer, lignes de fuite multiples, échafaudages de guingois défiant la gravité…

Un beau talent de coloriste, aussi, en collaboration étroite avec la costumière allemande Victoria Behr, dont les tenues de chantier (ici, l’affaire consiste avant tout à déplacer continuellement des structures géantes sur roulettes) sont déclinées en un magnifique camaïeu de rouges, d’ocres ou de jaunes.

Certes, le débat reste ouvert, mais à notre avis, au théâtre, quand le concept peut paraître intellectuellement mince, si au moins l’intérêt plastique reste soutenu, le temps paraît quand même plus court que dans le cas contraire (idées originales et réalisation moche : on ne citera personne !). Idomeneo, ouvrage génial mais bien long, peut s’installer ici confortablement dans sa vraie durée, sans ennui. Non seulement on n’y coupe rien (ballet compris), mais on en rajoute même, le chef grec Constantinos Carydis se livrant à un véritable exercice créatif, avec ses moments de génie, mais aussi ses limites.

À quoi bon pousser les chanteurs à richement ornementer leurs da capo, quand ces enrichissements sont bien plus convenus que l’écriture mélodique d’origine ? Pourquoi rajouter au rôle d’Idamante l’air de concert « Ch’io mi scordi di te ?… Non temer, amato bene » K. 505, magnifique musique, mais rupture de style totale – malgré l’excellence d’Andreas Skouras au pianoforte obbligato ? Insérer la Fantaisie pour piano K. 397, en fond sonore d’un beau jeu de scène (Idamante suspendu dans les airs, au ralenti), est une intuition brillante, mais comme la partie rapide qui conclut la pièce ne s’adapte pas bien, on la coupe. Ça pose problème ?

Attention aussi à la gestion négligente des récitatifs accompagnés, qui ignore neuf fois sur dix les petits tuilages entre l’orchestre et les répliques chantées, pourtant soigneusement notés par Mozart. Et quel vilain charivari, dès qu’interviennent les cuivres naturels et, surtout, un timbalier complètement déchaîné ! La proposition est peut-être originale, mais elle est aussi à réviser de fond en comble.

Équipe de chanteurs à toute épreuve, sauf pour l’Idomeneo de Matthew Polenzani, ténor méritant, mais incapable de vocaliser les longs traits en doubles croches du virtuose « Fuor del mar ». Un pénible savonnage, qu’une cadence incongrue, culminant sur un périlleux do dièse, essaie laborieusement de compenser. L’Idamante d’Emily D’Angelo, très crédible en jeune prince guerrier, a un timbre particulier, mais aussi de la musicalité à revendre.

Olga Kulchynska est une Ilia d’une véritable substance, et Hanna-Elisabeth Müller, en Elettra, se déchaîne dans un « D’Oreste, d’Aiace » d’anthologie, au risque de forcer un peu ses moyens.

Malgré quelques réserves, un Idomeneo globalement réussi.

LAURENT BARTHEL

PHOTO ©  WILFRIED HÖSL

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