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Comptes rendus

Rassurer pour remplir – éditorial du numéro de septembre

23/08/2021

À quoi la rentrée va-t-elle ressembler pour les théâtres lyriques ? La question est dans toutes les têtes, après un été au cours duquel les festivals d’opéra, malgré la crise sanitaire, sont globalement parvenus à monter l’intégralité des productions et concerts annoncés. Les ventes de billets n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, mais le public a, de manière générale, répondu présent.

Pour la saison 2021-2022, qui débute ce mois-ci, l’un des enjeux est donc celui du remplissage. Et l’exemple des cinémas a de quoi faire peur : même si la situation varie en fonction des régions et des villes, la baisse de fréquentation est réelle, depuis l’instauration du pass sanitaire obligatoire à l’entrée. Cette obligation, qui s’applique aussi aux théâtres et salles de concert, va-t-elle décourager le public ? Ou, au contraire, le rassurer ?

Il est impossible de répondre à cette question aujourd’hui. Pour deux raisons. D’abord, beaucoup d’institutions n’ont pas encore ouvert leur billetterie. Ensuite, la situation sur le front de la lutte contre le Covid-19 évolue tellement vite qu’on peut comprendre l’hésitation des spectateurs à acheter des places, plusieurs semaines à l’avance. Ce qui, évidemment, ne fait pas l’affaire des directeurs de théâtre.

Dans la période anxiogène que nous vivons, matraqués par des informations et des chiffres plus inquiétants les uns que les autres, rassurer me semble impératif. Pour cette raison, beaucoup de théâtres, en plus du pass sanitaire, imposeront – et vérifieront, sinon cela ne sert à rien – le port du masque pendant toute la durée de la représentation.

L’été a également été marqué par plusieurs disparitions, à commencer par celle d’André Tubeuf. Figure tutélaire de la critique musicale, ami personnel de nombreux artistes qui lui avaient ouvert leur cœur, et collaborateur historique d’Opéra Magazine (et d’Opéra International auparavant), il nous a quittés le 26 juillet, à l’âge de 90 ans. Lionel Esparza lui dit un bel et pertinent adieu, en page 98 de ce numéro. Parmi les autres disparus, auxquels nous rendrons hommage dans un prochain numéro : Charles Burles, Thierry Dran, Gianluigi Gelmetti, Giuseppe Giacomini, Graham Vick…

Deux nominations étaient attendues, en juillet-août, à la tête de l’Opéra-Comique et de l’Opéra National de Bordeaux. Aucune nouvelle, à l’heure où j’écris ces lignes, concernant la Salle Favart – alors que les postulants ont passé leur « grand oral » depuis déjà plusieurs semaines. Dans la métropole aquitaine, en revanche, on connaît, depuis le 22 juillet, le nom du futur successeur de Marc Minkowski. Il s’agit d’Emmanuel Hondré, qui a accompli un travail remarquable pendant les seize années passées à la tête du département « concerts et spectacles » de la Philharmonie de Paris.

Il est intéressant de se pencher sur les raisons ayant motivé le choix du jury, puis du ministère de la Culture. Pierre Hurmic, maire écologiste de la ville, commente ainsi, pour le site Rue89Bordeaux, le projet d’Emmanuel Hondré, baptisé « Un Opéra citoyen » : « Ça correspond à notre vision de la culture, y compris de la place de la musique dans la cité. Elle est proche de la vision de notre majorité. Ce qui m’avait séduit était sa volonté de conquérir des nouveaux publics et associer la venue d’artistes d’exception à des missions sociales, éducatives et progressistes. Faire en sorte qu’un grand établissement soit à la portée de tous les citoyens et sortir de l’élitisme. »

Peut-on mieux résumer ce qui est désormais prioritaire pour beaucoup de tutelles d’institutions lyriques ? Et, plus généralement, tout ce qui a changé dans l’univers de l’opéra, au cours des cinquante dernières années ? Jadis, on demandait avant tout à un directeur de bâtir une programmation variée, de savoir distribuer aussi bien Aida que Les Cloches de Corneville, et de remplir la salle. Aujourd’hui, le métier est devenu à la fois plus divers et plus complexe, avec des impératifs de démocratisation culturelle et d’ouverture au jeune public devenus incontournables.

Emmanuel Hondré, en plus, devra composer avec la sensibilité écologiste de la municipalité. Dimitri Boutleux, adjoint au maire chargé de la création et des expressions culturelles, a ainsi déclaré dans Le Monde du 27 juillet : « Je ne manquerai pas de rappeler à M. Hondré que l’Opéra de Bordeaux doit être un opéra pionnier sur différents chantiers, dont celui de la transition écologique. » À bon entendeur, salut !

RICHARD MARTET

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