Comptes rendus Avant Saint-Céré, La Cenerentola à Massy
Comptes rendus

Avant Saint-Céré, La Cenerentola à Massy

10/07/2021

Opéra, 12 juin

De reports en annulations, cette production de La Cenerentola, programmée à l’origine au Festival de Saint-Céré 2020, puis pour une tournée française, à partir de janvier 2021, a finalement connu sa création à l’Opéra de Massy, pour deux représentations.

Clément Poirée fait de Don Magnifico non plus un baron désargenté, mais le directeur d’un théâtre au bord de la banqueroute. Ceci explique le décor unique, minimaliste, consistant en trois portes battantes, avec, au lointain, une petite scène d’où – un peu trop souvent d’ailleurs, car cela pose des problèmes de projection vocale – seront chantées de larges parties d’airs.

L’idée permet certes de meubler, par une amusante « mise en abyme », l’Ouverture, durant laquelle Don Magnifico dirige les six choristes mimant – assez habilement – le jeu instrumental. Au-delà, l’absence de polarité entre sa demeure et le palais princier pose plutôt des problèmes de logique des lieux, notamment pour le bal.

Selon un procédé fréquent dans les productions d’Opéra Éclaté, les récitatifs secs sont remplacés par des dialogues parlés en français ; tirant quelque peu vers le boulevard, ils sont dus à Clément Poirée lui-même. On y apprend notamment, sans que cela trouve une traduction scénique claire, que Don Ramiro serait une vedette de la chanson.

Lamia Beuque campe une Angelina/Cenerentola plus énergique que d’ordinaire. Le timbre sonne fatigué, spécialement dans le bas du registre, pas très naturel, tandis que l’aigu « sort » de façon un peu trop soudaine. On tend d’ailleurs à la perdre dans les ensembles, et la justesse est imparfaite, notamment dans le grave, mais aussi dans les vocalises, peu précises.

Camille Tresmontant est un Don Ramiro bien modeste, petite voix manquant à la fois d’éclat et d’agilité, et n’atteignant les suraigus qu’au prix d’efforts considérables. Mais le personnage est sympathique, surtout lorsqu’il se fait passer pour Dandini.

Morgane Bertrand et Lucile Verbizier en font des tonnes dans les deux sœurs, ce qui n’empêche pas la soprano de bien détailler l’air de Clorinda (« Sventurata ! mi credea »). L’Alidoro de Matthieu Toulouse présente une voix pleine d’irrégularités et d’aspérités, sans une once de bel canto, dont pourtant l’aria « Là del ciel nell’arcano profondo », avec ses exigeantes coloratures, est un fleuron remarquable.

C’est aussi la question des vocalises qui fait s’interroger sur le choix d’Aimery Lefèvre en Dandini, rôle sans doute le plus largement servi sur ce plan. D’une lourde outrance parodique, son « Come un’ape », tout en heurts et soubresauts, le montre d’entrée étranger à ce répertoire. En outre, il est souvent à la traîne dans les ensembles.

Dans ces conditions, Don Magnifico n’a aucun mal à dominer de haut le plateau. Et pourtant, Franck Leguérinel n’est pas la basse bouffe voulue, comme le soulignent tant son air de l’acte II, aux passages sillabati un peu noyés dans l’orchestre, que l’insuffisant contraste de timbre avec Dandini. Mais il maîtrise si bien toutes les ficelles d’articulation et de projection, pour ne rien dire de son aisance d’acteur comique, qu’avec lui, la moindre intention passe et fait mouche. Chapeau !

Gaspard Brécourt dirige avec compétence, mais sans toujours parvenir à une mise en place impeccable des ensembles, ni obtenir de l’Orchestre de l’Opéra de Massy la vivacité et le nerf souhaités.

Reprises annoncées à Saint-Céré, du 31 juillet au 11 août, puis à Clermont-Ferrand, les 5 et 6 février 2022.

THIERRY GUYENNE

PHOTO © ELODIE ROY

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