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Comptes rendus

Beethoven magnifiquement servi par Matthias Goerne

27/04/2020

Beethoven : Lieder (1 CD Deutsche Grammophon)

Matthias Goerne ouvre sans crainte son récital Beethoven (enregistré en studio, à Berlin, en juillet 2019, avec une réverbération assez généreuse) par les austères 6 Gellert-Lieder de 1803. À raison, car le timbre sombre, comme la souveraine maîtrise du phrasé, l’intériorisation, la simplicité et la noblesse d’une élocution exemplaire, sans complaisance aucune, éblouissent d’emblée et livrent magnifiquement la substance de ces prêches plutôt intimidants.

On est enchanté, du même coup, de retrouver à son meilleur l’exceptionnel diseur du lied, en très bonne santé vocale – alors que ses dernières prestations scéniques, à l’opéra, nous avaient fortement inquiété sur l’état même de l’instrument.

Avec le piano de tout premier ordre de Jan Lisiecki, et son discret mais non moins magistral discours, c’est aussi donner la tonalité dominante du disque, qui culmine sans doute avec la grandiose seconde version de An die Hoffnung (op. 94, 1815), émouvante, bouleversante même, d’un Beethoven à son sommet.

Avec une durée totale comparable, et neuf titres en commun, c’est bien marquer aussi la différence de fond avec le récital de Ian Bostridge, enregistré peu après (Warner Classics) : la tessiture, la gravité, voire une mélancolie sereine encore plus que dramatique, contribuent à nous ramener à l’orthodoxie de la tradition, là où le ténor britannique privilégiait la singularité d’une lecture recourant plusieurs fois à un humour roboratif – avec son rare bouquet de chansons populaires en langue anglaise, notamment (voir O. M. n° 160 p. 73 d’avril 2020).

Du coup, la seconde partie de ce long récital n’est pas non plus sans accuser une certaine monotonie de ton, nonobstant la qualité toujours supérieure. Matthias Goerne conclut ainsi par le cycle An die ferne Geliebte, qui ouvrait le disque de Bostridge : on pourra préférer l’étonnante explosion de fraîcheur offerte par ce dernier (de même pour Adelaide, dont le refrain est plus irrésistiblement « années 1790 »), qui renouvelle l’écoute, même si la pure et très idiomatique perfection vocale est, sans doute, du côté du baryton allemand.

Il faudra faire alterner l’un et l’autre (aux deux, manque la traduction française des textes…), pour ce doublé particulièrement bienvenu dans le domaine du lied -beethovenien, en cette année où l’on commémore le 250e anniversaire de la naissance du compositeur.

FRANÇOIS LEHEL

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