Créée avec succès, le 25 février 1806, sur la scène du Kärntnertortheater de Vienne, en présence de l’empereur François II, Faniska intervient à un moment stratégique dans l’histoire de l’opéra : celui de la genèse évolutive de Leonore/Fidelio (première version en 1805, seconde en mars 1806). Au cours de celle-ci, Beethoven se montre particulièrement attentif à l’exemple de Lodoïska (Paris, 1791) et Les Deux Journées (id., 1800), deux ouvrages français de Luigi Cherubini, qu’il rencontre à plusieurs reprises pendant cette période.

C’est précisément le Festival de Pâques « Ludwig van Beethoven » de Varsovie qui est à l’origine de la résurrection de ce « Singspiel », le 20 octobre 2020, lors d’une version de concert retransmise en streaming. Le disque, lui, a été enregistré en studio, à Poznan, la même année, du 24 au 27 août, puis du 12 au 16 octobre. Précisons qu’il s’agit d’une première mondiale, Faniska n’ayant, apparemment, plus été jouée depuis 1860. Et que les maîtres d’œuvre du projet ont opté pour la traduction italienne du texte allemand, signée Luigi Prividali, et contemporaine de la création.

Faniska reprend la formule de la « pièce à sauvetage » de Lodoïska, qui est aussi celle de Leonore/Fidelio (avec le même librettiste, Joseph Sonnleithner) et, plus largement, d’un certain type d’« opéra-comique » français. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si le livret s’inspire d’un mélodrame de René-Charles de Pixérécourt, Les Mines de Pologne (Paris, 1803).

Située dans ce pays, comme celle de Lodoïska, l’intrigue s’articule autour du personnage de Faniska, épouse du staroste Rasinski, enlevée et enfermée dans un donjon par un rival de celui-ci, Zamoski. Elle en sera, bien évidemment, délivrée, le « méchant » étant, à son tour, expédié au cachot.

Une Ouverture de grand style, sous la baguette impétueuse de Lukasz Borowicz, à la tête de l’excellent Orchestre Philharmonique de Poznan, semble annoncer le meilleur. Las, il faut bientôt déchanter. À un livret très faible, s’ajoute un déséquilibre s’aggravant au fil des trois actes, en raison, sans doute aussi, de la suppression des dialogues parlés (le texte d’accompagnement, avec livret complet en italien et polonais, ne dit mot à ce sujet).

Par ailleurs, malgré l’aide de la réverbération, Natalia Rubis n’est pas à la mesure du rôle-titre, de large ambitus. Dans cet emploi de grand soprano lyrique, elle n’a à offrir qu’aigus serrés et manque de graves, compromettant les ensembles, dont le flamboyant finale du I, ainsi que les dix minutes du grandiose récitatif et air d’entrée du II (« Qual orribil soggiorno ! »).

La bonne prestation du ténor Krystian Adam (son mari, à la scène comme à la ville), en Rasinski, ne suffit pas à compenser, et seul s’impose vraiment le Zamoski, éloquent et farouche, du baryton-basse Robert Gierlach. Car la très sombre mezzo Justyna Olow, assez peu compréhensible, reste insuffisante dans le rôle secondaire, mais bien nourri, de la femme de chambre Moska, à côté d’acceptables comprimari.

L’intérêt du document est évident. Mais les plus belles pages de cette partition trop hétéroclite (on y ajoutera le splendide quintette du III, « Empio ferisci, uccidimi ») méritent mieux.

FRANÇOIS LEHEL

2 CD Dux DUX 1694-1695

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