Comptes rendus Divertissante Angelica à Martina Franca
Comptes rendus

Divertissante Angelica à Martina Franca

14/09/2021

Palazzo Ducale, 30 juillet

Quoiqu’un an à peine sépare les deux œuvres, il y a un monde entre la Griselda d’Alessandro Scarlatti (Rome, 1721), d’une complexité et d’un raffinement d’écriture extraordinaires, et L’Angelica de Nicola Porpora (Naples, 1720), musique d’excellente facture, mais qui ne se départ jamais d’un savoir-faire un rien passe-partout.

Énième avatar de l’histoire d’Orlando, devenu fou par jalousie, en apprenant l’amour partagé entre Angelica et Medoro, le livret de Pietro Metastasio propose, comme toujours, des vers magnifiques, mais pèche par le conventionnel des situations et le peu de ressort dramatique de l’intrigue. Pour étoffer l’ensemble, trois personnages, totalement inutiles, ont été ajoutés : un vieillard sentencieux, Titiro, et un jeune couple de bergers, Licori et Tirsi.

La matière est certainement trop mince pour qu’un metteur en scène accomplisse des miracles, mais fallait-il, pour autant, nous servir ce spectacle à la fois branché et creux ? Transposé à notre époque, l’opéra n’est plus situé dans un cadre champêtre, propice aux amours bucoliques, mais dans une salle de banquet. Titiro y officie comme majordome, commandant à quatre domestiques qui viennent dresser la table, servir, desservir, nettoyer… et, surtout, meubler le manque d’action, en se livrant à un incessant jeu de caresses et de baisers.

Ces jolis figurants, issus de la compagnie de danse Fattoria Vittadini, interviennent également, en seconde partie, comme invités du festin, dans des costumes inspirés du XVIIIe siècle, mais réinterprétés pour des personnages au genre indéterminé : femmes en petits marquis, garçons affublés de robes et de perruques… Du coup, on a l’impression que l’attention de Gianluca Falaschi, metteur en scène, décorateur et costumier, s’est davantage focalisée sur les ébats des danseurs que sur la lisibilité de l’action.

Musicalement, l’ensemble La Lira di Orfeo paraît toujours aussi fragile que dans Griselda, la veille, malgré la présence de Federico Maria Sardelli au pupitre, qui connaît assurément son affaire. En effet, il dirige, avec beaucoup de naturel et de goût, une partition destinée à plaire, mais où peu de moments marquent vraiment l’oreille.

Le plateau est dominé par l’Orlando de Teresa Iervolino, voix mâle aussi habile à ciseler le texte qu’à dessiner les plus fières vocalises, avec un ascendant rappelant les incursions de Marilyn Horne ou Ewa Podles dans le baroque. La mezzo italienne dessine un héros névrosé, dont la scène de folie est évidemment le point culminant, même si Porpora n’y déploie pas l’inventivité de Vivaldi et Haendel.

Ekaterina Bakanova est une Angelica manipulatrice à souhait, instrument agile, mais un rien étroit et dur. Paola Valentina Molinari prête à Medoro une voix longue et ductile, s’enlisant un peu dans certaines coloratures, mais réussissant superbement les demi-teintes du plus bel air de la partition, le magique « Bella diva all’ombre amica », avec violoncelle solo.

Gaia Petrone est une accorte Licori, Barbara Massaro incarnant un Tirsi fougueux, dans une partie exigeante, créée par un Farinelli de 15 ans. Si le Titiro bonhomme de Sergio Foresti se montre scéniquement convaincant, le chant est constamment à la peine.

Une soirée divertissante, mais qui paraît un peu gratuite, après le spectacle très fort de la veille.

THIERRY GUYENNE

PHOTO © CLARISSA LAPOLLA

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