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Comptes rendus

Incertitudes (éditorial du numéro de juillet-août)

24/06/2020

Ayant placé mon dernier éditorial sous le signe de l’espoir, je ne peux que me réjouir des bonnes nouvelles engrangées ces quatre dernières semaines. Tirant parti de la décrue du Covid-19 en Europe, et de l’assouplissement des règles sanitaires qui l’ont accompagnée, de nombreux festivals ont décidé d’ouvrir leurs portes cet été, principalement dans des espaces de plein air, mais également dans des salles fermées.

Le pays leader sur ce plan est incontestablement l’Italie. Toutes les grandes manifestations se tiendront : Macerata, Martina Franca, Pesaro, Ravenne, Torre del Lago, Vérone. Auxquelles viendront s’ajouter les prestigieuses saisons estivales du Teatro San Carlo de Naples, du Teatro dell’Opera de Rome ou du Teatro La Fenice de Venise. La programmation se ressent évidemment des contraintes liées à la crise : beaucoup de concerts ; des jauges inférieures à l’habitude ; des lieux pas forcément faciles à investir (Piazza del Plebiscito à Naples, Piazza del Popolo à Pesaro, Circo Massimo à Rome)… Mais les affiches sont alléchantes, témoignant d’une remarquable capacité à rebondir.

Comment ne pas s’émerveiller, ensuite, devant la somptueuse programmation élaborée, en quelques semaines, à Salzbourg ? Même s’il a fallu diminuer le nombre de spectacles et de représentations, la qualité des productions et des artistes invités force l’admiration. Il n’y aura évidemment pas de places pour tout le monde, les jauges ayant été là encore revues à la baisse, mais le Festival pourra s’enorgueillir d’avoir dignement fêté son centenaire.

Les pessimistes avanceront que tous ces beaux édifices sont susceptibles de s’écrouler du jour au lendemain, pour peu qu’une deuxième vague de l’épidémie frappe l’Autriche et l’Italie. Personnellement, et malgré un danger que je sais toujours présent, j’aurais plutôt envie de me montrer optimiste.

La France, plus prudente peut-être, ne prévoit pas de festivités comparables. Publiques, du moins. Avec Cecilia Bartoli, Karine Deshayes, Aleksandra Kurzak, Roberto Alagna, Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier réunis le même soir, les Chorégies d’Orange créent incontestablement l’événement. Mais les gradins du Théâtre Antique seront vides, à l’exception des caméras de télévision. Inutile de préciser que l’on fera aisément contre mauvaise fortune bon cœur !

Même chose à Aix-en-Provence, où les récitals de chant, retransmis en différé sur Arte, seront filmés sans public. D’autres manifestations, de dimension plus modeste, qui avaient fait le pari de garder espoir quand tous leurs homologues de l’Hexagone, ou presque, avaient jeté l’éponge, accueilleront, en revanche, des spectateurs.

Derrière les festivals se profile une rentrée qui s’annonce sinistrée de l’autre côté de l’Atlantique (le Metropolitan Opera de New York, le Lyric Opera de Chicago et le San Francisco Opera ont tout annulé jusqu’à fin décembre), et particulièrement incertaine en France. Alors que la plupart des théâtres ont annoncé leur saison 2020-2021, aucun, en effet, n’est sûr à 100 % de jouer en septembre-octobre.

Beaucoup y croient, et c’est tant mieux. L’Opéra National de Paris, lui, préfère baisser le rideau. Toutes les productions prévues sont annulées jusqu’à fin novembre, pour l’Opéra Bastille, et début janvier, pour le Palais Garnier. L’institution profitera de cette fermeture pour effectuer les travaux initialement prévus en 2021.

Annoncée par le ministère de la Culture, le 11 juin, la décision du conseil d’administration n’est pas une surprise, Stéphane Lissner, son directeur, l’ayant déjà publiquement envisagée. Sauf qu’elle s’est accompagnée d’un psychodrame comme la France en a le secret, lié au départ anticipé du même Stéphane Lissner qui, à sa demande, quittera ses fonctions le 31 décembre prochain, sept mois avant la fin de son mandat.

Le 12 juin, son successeur désigné, Alexander Neef, a fait savoir que son départ anticipé de Toronto n’avait jamais été discuté avec le conseil d’administration de l’ONP, et qu’il restait concentré sur sa mission de directeur de la Canadian Opera Company jusqu’à la fin de la saison 2020-2021. Curieux, dans la mesure où Stéphane Lissner, dans des propos rapportés par l’agence Ansa, au lendemain de sa nomination au Teatro San Carlo, le 12 octobre 2019, avait expliqué qu’à partir de sa prise de fonctions, le 1er avril 2020, il se partagerait entre Paris et Naples jusqu’au 31 décembre 2020, mais pas après…

Quand Alexander Neef passera-t-il du statut de « directeur désigné » à celui de « directeur » ? Interviewé sur France Musique, le 15 juin, il a avoué ne pas le savoir encore, le choix de la date dépendant de ses discussions en cours avec le conseil d’administration de la COC. Dans tous les cas, il s’est dit serein pour l’avenir, malgré l’état actuel de l’ONP, décrit comme « à genoux » par son prédécesseur dans Le Monde du 11 juin, après sept mois de grève contre la réforme des retraites et de crise du Covid-19.

Et puisqu’on en est à parler de l’Opéra de Paris, je ne saurais terminer cet éditorial sans évoquer la disparition de Nicolas Joel, son directeur de 2009 à 2014, à l’âge de 67 ans. Elle est survenue trop tard (le 18 juin), pour que je lui rende l’hommage qu’il mérite dès ce numéro d’été. Mais rendez-vous est pris pour la rentrée.

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