Opéra Bastille, 4 juin
PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/VINCENT PONTET
Sonya Yoncheva (Violetta Valéry)
Antoinette Dennefeld (Flora Bervoix)
Cornelia Oncioiu (Annina)
Bryan Hymel (Alfredo Germont)
Simone Piazzola (Giorgio Germont)
Julien Dran (Gastone de Letorières)
Fabio Previati (Barone Douphol)
Boris Grappe (Marchese d’Obigny)
Luc Bertin-Hugault (Dottore Grenvil)
Michele Mariotti (dm)
Benoît Jacquot (ms)
Sylvain Chauvelot (d)
Christian Gasc (c)
André Diot (l)
Philippe Giraudeau (ch)
Conçue dès le départ pour accueillir à Paris les meilleures Violetta du moment, la mise en scène de Benoît Jacquot, créée en 2014 avec Diana Damrau (voir O. M. n° 97 p. 62 de juillet-août), reprise la même année avec Ermonela Jaho et Venera Gimadieva (voir O. M. n° 100 p. 49 de novembre), vient successivement de servir d’écrin à Maria Agresta, Irina Lungu et Sonya Yoncheva.
Il était prévu que la soprano bulgare assure toutes les représentations entre le 20 mai et le 7 juin. Forfait pour les quatre premières, suite au décès de son père, elle est revenue à temps pour remporter l’un des plus spectaculaires triomphes dont nous ayons jamais été témoins à l’Opéra Bastille.
La voix, d’abord, apparaît à son zénith, avec ce timbre captivant reconnaissable entre mille, doublé d’une puissance et d’un rayonnement tellement exceptionnels qu’ils balaient tout sur leur passage, y compris quelques efforts un peu trop perceptibles dans les cascades de vocalises du finale du premier acte (prudemment, Sonya Yoncheva se dispense du contre-mi bémol de tradition, de toute manière jamais écrit par Verdi).
La présence scénique, ensuite, est irrésistible, à l’instar d’une interprétation qui, pour être savamment construite, n’en conserve pas moins une jeunesse et une spontanéité éblouissantes. Et si l’actrice paraît parfois en retrait, la faute en incombe très certainement à la mise en scène. C’est le revers de la médaille de ces productions dites « de répertoire », où l’on s’intègre quels que soient son physique et sa personnalité, mais d’où une direction d’acteurs individualisée est absente.
Bryan Hymel en apporte la confirmation : comédien médiocre, le ténor américain se réfugie dans des postures de convention et une panoplie de gestes d’un autre âge. Le timbre manquant par ailleurs cruellement de la séduction indispensable en Alfredo, ne reste qu’une indéniable aisance dans l’aigu et un phrasé de bonne école, ce qui ne suffit pas dans La traviata.
Lauréat du Concours « Operalia », comme Sonya Yoncheva, Simone Piazzola fait, en revanche, très bonne figure en Germont. La voix est à la fois solide, sonore et fermement projetée, avec un sens des nuances tellement raffiné qu’un air aussi rabâché que « Di Provenza il mar » prend soudain de nouvelles couleurs à nos oreilles.
L’équipe des comprimari, qui fait la part belle aux chanteurs français, est bien choisie, avec une mention pour le brillant Gastone de Julien Dran, la chaleureuse Annina de Cornelia Oncioiu et la charmeuse Flora d’Antoinette Dennefeld.
Michele Mariotti, enfin, tire le meilleur d’un Orchestre de l’Opéra National de Paris dans une forme somptueuse : précise mais jamais sèche, caressante mais jamais alanguie, sa baguette est un véritable enchantement, en particulier dans les deux préludes, d’un pouvoir d’évocation envoûtant.
Une grande soirée, vous l’aurez compris, qui consacre l’une des Violetta les plus accomplies de ces cinquante dernières années.
RICHARD MARTET