Comptes rendus La traviata de Paris à Vienne
Comptes rendus

La traviata de Paris à Vienne

27/03/2021

Staatsoper/Play.wiener-staatsoper.at, 7 mars

Créée à l’Opéra National de Paris, en septembre 2019 (voir O. M. n° 155 p. 51 de novembre), cette coproduction avec le Staatsoper de Vienne devait être reprise dans la capitale autrichienne, le 7 mars dernier. Crise sanitaire oblige, elle a dû être jouée sans public, retransmise en direct sur le site de la maison.

Deux questions se posaient à l’annonce de cette diffusion : comment le spectacle passerait-il à l’écran et, surtout, comment se porterait-il un an et demi après ? Filmé avec sérieux, utilisant efficacement et intelligemment la variété des plans, il supporte bien l’épreuve, avec un trait d’humour difficilement repérable de la salle et que le gros plan permet : le couvercle de l’ordinateur d’Alfredo est orné non d’une pomme, mais d’une poire !

Entre autres changements par rapport à Paris, exit la vache que devait traire Violetta, au deuxième acte, remplacée par un tracteur dans lequel trifouille cette apprentie bricoleuse. La vision de Simon Stone, formidablement réalisée, d’une cohérence remarquable, est toujours aussi glaçante ; cet univers impitoyable, régi par les lois de l’image et de la consommation, est toujours aussi inhumain, sauf que l’on s’y est habitué, que la surprise est éventée, et que le médium entre le spectateur et le plateau bride l’empathie que l’on éprouve généralement à l’égard de l’héroïne.

Quant au fond, il peut ne pas convaincre. En ce qui me concerne, une influenceuse ne sera jamais l’équivalent d’une courtisane, ce qu’est la vraie Violetta Valéry : vendre son image n’est pas l’équivalent de vendre son corps.

Comme au Palais Garnier, Pretty Yende se donne à fond. Si elle ne possède toujours pas l’exact format vocal du rôle, la comédienne a désormais investi son personnage et fait complètement siennes les propositions du metteur en scène : brillante au premier acte, elle est bouleversante au tableau final.

Le baryton ample et sonore d’Igor Golovatenko ne suffit pas à en faire un Germont mémorable. Juan Diego Florez, en revanche, campe un Alfredo au chant souple et délié, immédiatement séduisant, jeune premier idéal et amoureux passionné.

Seconds rôles de qualité et chœurs de premier ordre. Giacomo Sagripanti dirige, avec tact et élégance, un orchestre somptueux – n’oublions pas que c’est le Philharmonique de Vienne qui officie en fosse !

Une soirée dont le propos laisse encore perplexe mais qui, musicalement, n’est pas négligeable.

MICHEL PAROUTY

PHOTO © WIENER STAATSOPER/MICHAEL PÖHN

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