Comptes rendus Le Comte Ory à Metz pour la musique
Comptes rendus

Le Comte Ory à Metz pour la musique

25/10/2021

Opéra-Théâtre, 5 octobre

Composé sur un livret d’Eugène Scribe, créé à Paris, salle Le Peletier, en 1828, Le Comte Ory est l’avant-dernier opéra de Rossini, mais aussi une refonte partielle d’Il viaggio a Reims (Théâtre-Italien, 1825). Ses dimensions cependant, et le fait qu’il soit dépourvu de dialogues, en font un ouvrage exigeant, malgré la malice de son sujet et le caractère comique de la plupart de ses numéros.

On ne peut, paradoxalement, que l’aborder avec sérieux, car la dérision ne sied pas à une partition qui, dépassant largement l’anecdote, multiplie les airs et les ensembles de vastes dimensions. Pour cette nouvelle production de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, en collaboration avec l’Opéra de Massy, Sylvie Laligne n’a pas su saisir cette ambiguïté. Elle se contente de juxtaposer les scènes, d’ajouter quelques gags anodins et de faire s’agiter les chanteurs, là où ils devraient jouer. On cherche en vain les « mouvements chorégraphiques » annoncés, et la présence de deux acrobates sous-employés (Jérémy Duval et Séraphin Hadengue) n’arrange rien.

Le décor d’Emmanuelle Favre, auquel se substitue parfois une toile peinte représentant un château, consiste en de fausses ruines, devant lesquelles se dresse un pommier de parodie (ah, la symbolique de la pomme !), et ce sont les lumières imaginatives de Patrick Méeüs qui donnent un semblant de tenue au spectacle. Faire lever la jambe à des nonnes travesties est facile, mais donner du souffle à un ouvrage qui est tout sauf une pochade, est une autre affaire. Et ce n’est pas l’apparition du Comte Ory en chanteur de rock, lunettes noires et déhanchement attendu, qui apporte quelque chose de plus.

Oublions donc ce qu’on voit, car ce qu’on entend est autrement captivant. Patrick Kabongo est désormais prêt pour ce type de rôle, qui exige de l’endurance et de la virtuosité. Ses aigus sont sans raideur, son chant est articulé avec souplesse, et sa manière de faire sienne le rôle-titre, sympathique, même si Sylvie Laligne le confine dans une conception élémentaire, avec force gestes de guérisseur et postures stéréotypées.

Face à lui, Perrine Madoeuf est une Comtesse Adèle pleine d’autorité, convaincante dès son entrée (« En proie à la tristesse »). On aimerait peut-être plus de sensualité, plus d’abandon, mais la netteté du chant et l’aisance dans les vocalises sont ici des vertus précieuses.

Cécile Galois a les acidités qui conviennent à Ragonde ; Catherine Trottmann est pleine de fraîcheur et de panache en Isolier, et Leonardo Galeazzi réussit à donner de l’animation à l’air du Gouverneur (« Veiller sans cesse »), sorte de numéro à la manière de Leporello, dans lequel Rossini n’a pas mis tout son génie.

Armando Noguera n’est pas très à l’aise dans les premières scènes de Raimbaud, mais il se rattrape au II, quand il arrive à se libérer des contorsions que lui impose la mise en scène. Tous les chanteurs s’entendent bien, comme le montre le septuor a cappella qui clôt le premier acte.

Corinna Niemeyer n’est pas dans la fosse. Pandémie oblige, les percussions et les vents y sont seuls présents, les cordes étant installées au parterre, à la place des premiers rangs des spectateurs. Mais l’équilibre sonore n’en est pas affecté, et le dialogue entre l’Orchestre National de Metz et le plateau vire très vite à la complicité.

La direction de la cheffe allemande est à la fois nerveuse et précise, avec un souci apporté au vibrato, toujours utilisé avec à-propos. Dommage qu’à un si bel élan vocal et musical, réponde un spectacle aussi sommaire.

CHRISTIAN WASSELIN

PHOTO © OPÉRA-THÉÂTRE EUROMÉTROPOLE DE METZ/ARNAUD HUSSENOT

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