Comptes rendus Le premier Golaud de Stéphane Degout
Comptes rendus

Le premier Golaud de Stéphane Degout

25/10/2018

Salle Favart, 23 octobre

Pelléas est chez lui à l’Opéra-Comique, depuis certain soir d’avril 1902, mais c’est chez Debussy que nous avons été conviés, le 23 octobre dernier. Ce soir-là, en effet, était donné le concert le plus dépouillé qu’on puisse imaginer, avec un piano à la place de l’orchestre.

Cette version a-t-elle préexisté à la version orchestrale ? La réponse n’est pas définitive, car, comme le dit Denis Herlin, rédacteur en chef de la nouvelle édition des Œuvres complètes de Claude Debussy parue chez Durand, ce piano-chant est un « objet complexe », et c’est en 2010 seulement qu’a été publiée une réduction conforme à la partition d’orchestre.

À l’écoute, nous ne sommes pas du tout en présence d’une quelconque version diminuée, mais d’un immense poème pour piano, fluide et architecturé, où abondent les couleurs. Martin Surot, dont le profil ressemble étonnamment à celui du compositeur, tel qu’on le voit au piano chez Chausson, tient la distance avec une maîtrise confondante et offre tout autre chose qu’un accompagnement.

Les timbres de l’orchestre nous manquent au début, mais très vite, nous sommes plongés dans une pièce du vieux château d’Allemonde, dont le pianiste creuse les ombres et révèle les clartés, comme il le fait, par exemple, dans le stupéfiant épisode de l’acte III, au cours duquel Golaud entraîne Pelléas dans les souterrains. Un Pleyel de l’époque de Debussy aurait peut-être encore ajouté à cette splendide leçon de musique.

En phase avec cette prestation habitée, est réunie une équipe de jeunes chanteurs entraînée par Stéphane Degout qui, après avoir assuré une master class, le 18 octobre, donne ici son premier Golaud. Lui qui est un habitué du rôle de Pelléas, joue-t-il involontairement au metteur en scène ? En tout cas, il ne tire pas la couverture à lui et nous livre un Golaud grave, sensible, violent sans le vouloir, désireux avant tout d’aimer.

Pelléas est Jean-Christophe Lanièce, dont seul le grain légèrement sombre nous dit qu’il est baryton. L’équilibre entre les timbres des deux chanteurs est parfait, d’autant que l’un et l’autre articulent le texte avec un grand naturel, comme s’ils abordaient là une mélodie de très vaste dimension. Amaya Dominguez est, par comparaison, trop charnelle, et son vibrato accentue le défaut de simplicité d’un personnage tout à coup plus près de Manon que de l’énigmatique Mélisande.

Majdouline Zerari est une chaleureuse Geneviève, et Nathanaël Tavernier, un Médecin sonore, mais Thomas Dear (Arkel) semble étrangement flotter dans sa voix, comme dans un costume trop grand pour lui. Micha Calvez-Richter, enfin, qui fait partie de la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, a la candeur maladroite qu’il faut pour incarner Yniold dans ce Pelléas aussi concentré qu’envoûtant.

CHRISTIAN WASSELIN

PHOTO : © S. BRION

Pour aller plus loin dans la lecture

Comptes rendus Un très grand Siegfried à Madrid

Un très grand Siegfried à Madrid

Comptes rendus Paris en fête

Paris en fête

Comptes rendus Un adieu triomphal

Un adieu triomphal