Comptes rendus Le retour réussi d’Yvonne à Paris
Comptes rendus

Le retour réussi d’Yvonne à Paris

26/03/2020

Palais Garnier, 6 mars

Les ouvrages commandés par l’Opéra National de Paris n’ont pas tous la chance d’être repris. Aussi doit-on se réjouir de ce retour d’Yvonne, princesse de Bourgogne, onze ans après sa création, au Palais Garnier, en janvier 2009 (voir O. M. n° 38 p. 62 de mars), suivie d’un enregistrement en CD, paru chez le label Cypres (voir O. M. n° 58 p. 69 de janvier 2011).

La partition de Philippe Boesmans (né en 1936), comme toujours, ne manque pas d’habileté. Elle avance sans chute de tension, l’action étant sans cesse suivie et commentée par un orchestre prodigieusement mobile, scintillant comme du vif-argent, dont l’incontestable modernité demeure pourtant accessible. Citations et collages sont parfaitement intégrés dans le flux sonore, et justifiés par les situations ; le traitement de la voix, en revanche, se confirme moins original (le plus souvent, un récitatif calqué sur le rythme de la parole, avec de fréquents écarts, voire des vocalises).

La préoccupation majeure du compositeur  belge était, de son propre aveu, la clarté de la compréhension du texte. Reconnaissons que la gageure n’est qu’imparfaitement tenue dans cette reprise, sans que ce soit toujours la faute des interprètes. La prosodie, en effet, n’est pas toujours naturelle, et certains intervalles sont tendus. Et lorsque le surtitrage disparaît pendant quelques minutes, le spectateur est bien embarrassé !

La mise en scène de Luc Bondy, réalisée par Héloïse Sérazin, n’a pas vieilli et se revoit avec plaisir. Les décors de Richard Peduzzi contrastent avec les costumes chatoyants, chamarrés, voire farfelus, de Milena Canonero. On pressent que la direction d’acteurs a été minutieusement mise au point et il semble évident que chacun, premier rôle ou figurant, sait ce qu’il a à faire à chaque instant, en particulier dans quelques ensembles très bien défendus par le Chœur de l’Opéra National de Paris, en petite formation.

Quoique quasiment muette, Dörte Lyssewski, créatrice du rôle-titre, brûle les planches et recueille au rideau final un succès mérité, tant elle apporte de présence à son personnage.

Le reste de la distribution est de haut niveau, peut-être même supérieur à 2009. Laurent Naouri est superlatif en Roi Ignace, potentat fantasque et ridicule. Béatrice Uria-Monzon, qui a toujours été aussi une véritable actrice, indépendamment de ses qualités musicales, incarne avec brio une Reine Marguerite subtilement idiote. Le Chambellan de Jean Teitgen, impressionnant avec son regard énigmatique et son comportement vaguement halluciné, fait entendre l’une des plus belles voix de basse du moment.

Les plus lourdes exigences sont dévolues au Prince Philippe. Julien Behr s’investit pleinement dans cet étrange personnage, veule et cruel. Antoinette Dennefeld, que l’on a beaucoup vue un peu partout, ces dernières saisons, est maintenant prête pour les scènes de premier plan, tant pour sa séduction vocale que pour son fort tempérament théâtral. Parmi les rôles plus secondaires, un Loïc Félix et un Christophe Gay très investis, ainsi qu’un impressionnant Guilhem Worms en Innocent.

Il est particulièrement plaisant de regarder diriger Susanna Mälkki, souriante et souple, mais ne laissant aucune place à l’imprécision entre fosse et plateau, tout semblant couler avec détente et facilité.

JACQUES BONNAURE

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/VINCENT PONTET

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