Comptes rendus Les grands écarts d’Anna Netrebko
Comptes rendus

Les grands écarts d’Anna Netrebko

25/11/2021

1 CD Deutsche Grammophon 486 0531

Que la diva russo-autrichienne aborde le répertoire germanique peut s’expliquer. Ce qui déconcerte, c’est le panachage du programme, faisant alterner Richard Strauss et Wagner avec Verdi et Puccini – soit –, mais aussi Tchaïkovski et Purcell, pour autant de caractéristiques vocales et psychologiques différentes, au grand risque que l’Elisabetta de Don Carlo ne ressemble trop à l’Elisabeth de Tannhäuser, Ariadne à Aida, et même Elsa à Isolde.

Péril pas totalement évité, avec ces enchaînements en forme de coq-à-l’âne, où les qualités d’Anna Netrebko, qui restent considérables, se font parfois oublier. De surcroît, avec une réverbération trop généreuse qui gomme les contours, aux dépens, en particulier, de la diction (« Thy hand, Belinda… When I am laid in earth », dans Dido and Aeneas, est pratiquement incompréhensible).

L’Ariadne d’entrée, avec l’imposant « Es gibt ein Reich », inquiète, malgré la somptueuse beauté du médium, alors que les aigus seront plus d’une fois périlleux (« Du wirst mich befreien »), comme dans toute la suite, avec un vibrato marqué. Le « Ritorna vincitor ! » d’Aida, en revanche, sur un terrain familier, avec un superbe « Numi, pietà », rassure, de même que toute la grandeur tragique conférée au « Tu che le vanità » d’Elisabetta, ses beaux piani, et une expressivité très émouvante.

Le « Dich, teure Halle » d’Elisabeth, qui enchaîne abruptement, remarquablement dominé, prolonge cette impression favorable, que gomment ensuite, en partie, les trois courtes minutes du « Poveri fiori » d’Adriana Lecouvreur, avec des aigus qui seraient presque criés.

Ce que rachète la splendide entrée de Lisa (La Dame de pique), avec la parfaite justesse de l’expression, mieux qu’une Cio-Cio-San très appuyée et trop lourde (Madama Butterfly). De même, autant le « Rêve » d’Elsa (Lohengrin) ne semble pas vraiment pertinent, malgré une réelle application, autant « Sola, perduta, abbandonata » (Manon Lescaut) tire le meilleur parti du sombre velours de la voix.

Enfin, la « Mort » d’Isolde, qui conclut l’album, réserve plutôt une bonne surprise, même si la mutation de la soprano lyrique d’autrefois n’en fait pas, pour autant, une dramatique aujourd’hui.

Dans cet enregistrement de studio, réalisé en octobre 2020, Riccardo Chailly et l’orchestre de la Scala se font caméléons avec un bonheur inégal, mais échouent dans un Dido and Aeneas hors de propos pour eux.

FRANÇOIS LEHEL

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