Comptes rendus Offenbach part sur la Lune à Montpellier
Comptes rendus

Offenbach part sur la Lune à Montpellier

09/01/2021

Opéra Comédie, 17 & 18 décembre

Parmi les œuvres tardives d’Offenbach, Le Voyage dans la Lune (Paris, 1875) passe pour l’une des plus réussies, mais elle n’est pas des plus souvent montées. Le nouveau spectacle du Centre Français de Promotion Lyrique (CFPL), en coproduction avec seize maisons d’opéra et le Palazzetto Bru Zane, était donc très attendu. Il a, hélas, pâti des contraintes sanitaires.

La création à Montpellier, réduite à deux générales (dont l’une servait aussi de couturière), dans une version ramenée de trois à deux heures sans entracte, se ressent de ces coupures, qui réduisent la part de la musique au profit des dialogues. Même avec une intrigue très simple, il devient bien difficile de comprendre la nécessité de certaines scènes, et, à la première, tout semblait un peu se bousculer pour arriver à tenir dans le format imposé.

Pour monter cet « opéra-féerie », où le spectaculaire le dispute au satirique, Olivier Fredj a choisi un registre burlesque assez appuyé, quelque part entre Jérôme Savary et Laurent Pelly. Cela se concrétise dans les costumes extravagants de Malika Chauveau, parfois très réussis, mais ne facilitant pas toujours la tâche aux chanteurs.

Le décor est surtout constitué des illustrations dues à Jean Lecointre, basées sur des gravures d’époque en noir et blanc pour les premiers tableaux terriens, puis sur un graphisme imaginatif et coloré pour l’univers lunaire, donnant un petit côté surréaliste à l’ensemble. Le tout est installé sur un plateau de tournage – un clin d’œil au célèbre Voyage dans la Lune de Georges Méliès –, où les machinistes, incarnés par sept danseurs, circulent à vue et où les effets spectaculaires, comme le départ de la fusée-obus ou l’éruption du volcan, sont traités sur un mode farfelu très réussi.

Tout ceci laisse néanmoins la sensation un peu frustrante d’avoir affaire à une esquisse, pour ne pas dire un brouillon. On regrette ainsi un ballet (« Les Ombres errantes ») inutile, banal et bien peu esthétique, alors que celui dit « des flocons de neige », charmant, a été écourté. Quant aux dialogues, ils donnent souvent l’impression d’être expédiés.

Pourtant, chacune des deux distributions offre autant d’excellents éléments aux qualités et aux personnalités diverses, mais ce n’est qu’avec la seconde que, comme par miracle, la production trouve enfin son rythme et sa cohérence.

Dans le rôle central de Caprice, Marie Perbost, succédant à Violette Polchi, s’impose avec son soprano léger mais charnu, et un naturel délicieusement poétique et rêveur, là où sa devancière offrait au jeune prince un timbre plus corsé d’authentique mezzo et une incarnation plus « virile ». Quant aux deux Fantasia, Sheva Tehoval et Jeanne Crousaud, l’une comme l’autre ne font qu’une bouchée de leur air si spirituel « Je suis nerveuse » et de ses aigus.

Sans doute Jérôme Boutillier a-t-il une voix plus sombre et plus timbrée que Matthieu Lécroart, mais là où le premier compose un Vlan sévère et cassant, le second joue d’une vis comica plus bonhomme et d’un style impeccable. Les autres personnages, pour la plupart, ne chantent que dans les ensembles et doivent se contenter des dialogues pour caractériser leurs personnages.

Malgré une orchestration très réduite, Pierre Dumoussaud réussit, dès la deuxième générale, à établir un équilibre parfait entre les cordes et les vents. Il rend justice à l’invention mélodique et instrumentale d’Offenbach, avec une direction toujours nuancée, qui met en valeur la finesse de la partition. Bien que masqué, le courageux Chœur de l’Opéra National de Montpellier donne le meilleur de lui-même à chacune de ses interventions.

Nul doute que, si le Covid-19 lui en laisse la chance, ce spectacle grandira au fil de sa tournée, qui s’achèvera en avril 2023. Les représentations prévues à Nancy, du 20 au 28 janvier 2021, puis à Compiègne, les 12 et 13 février, viennent d’être annulées. On compte maintenant sur celles annoncées à l’Opéra de Tours, du 12 au 16 mars.

ALFRED CARON

PHOTO © MARC GINOT

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