Comptes rendus Poil de Carotte devient opéra à Montpellier
Comptes rendus

Poil de Carotte devient opéra à Montpellier

17/01/2020

Opéra Comédie, 3 janvier

Né en 1956, Reinhardt Wagner est le compositeur attitré de Jean-Michel Ribes, directeur du Théâtre du Rond-Point. Ensemble, ils ont signé un « opéra-bouffe », René l’énervé, en 2011. Mais aujourd’hui,pour sa nouvelle création – coproduction entre l’Opéra Orchestre National Montpellier et le Théâtre du Capitole de Toulouse –, le musicien français fait tandem avec Zabou Breitman, auréolée de son récent succès dans La Dame de chez Maxim, au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Celle-ci signe, également, le livret de Poil de Carotte.

Dans le programme de salle, le compositeur, parlant de son « conte musical », dit avoir été plus proche du roman autobiographique de Jules Renard (1894) que de son adaptation théâtrale (1900), portée à la scène par André Antoine. Si les textes chantés ont été rédigés par Franck Thomas, les dialogues parlés sont tous empruntés à Jules Renard, avec des coupures, mais pas d’additions.

Pour sa partition, Reinhardt Wagner, qui revendique sa filiation avec Kurt Weill, a eu une idée qui se révèle gagnante : il multiplie Poil de Carotte par vingt-cinq, autant de choristes enfants qui arborent la même perruque orange et le même sarrau noir que le héros. Le Chœur Opéra Junior, sous l’impulsion de Vincent Recolin, accomplit ici une véritable performance : il intervient pour commenter l’action ou faire contrepoint aux solistes, toujours avec une diction parfaite et un entrain réjouissant.

Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue, mais on assiste à une série de brefs tableaux formant la chronique de l’enfant mal-aimé, qui déteste sa mère. Si le noir prédomine dans les décors et les costumes, Zabou Breitman a su adoucir la vision de Jules Renard sans l’édulcorer. Sa mise en scène, inventive et enjouée, gomme les aspects stercoraires et déplaisants du texte ; elle s’élève même, parfois, à la poésie. Ainsi ce moment où Poil de Carotte et sa petite amie Mathilde rêvent de se marier, s’envolant – littéralement – dans les airs…

Sous la baguette attentive de Victor Jacob, l’Orchestre National Montpellier Occitanie fait merveille, mettant en valeur une partition riche et variée. Quant à la distribution, elle se montre à la hauteur des enjeux.

Si Amélie Tatti n’est guère vraisemblable physiquement, elle prête à Poil de Carotte une voix fraîche et sensible. Son plus joli moment la voit dialoguer avec un enfant qui joue du cornet à pistons (Nicolas Planchon). Son air final lui vaut un triomphe.

Sociétaire de la Comédie-Française, Sylvia Bergé a la tâche redoutable d’incarner la terrible Madame Lepic : elle évite la caricature, réussissant même à rendre parfois émouvante l’affreuse virago. Bernard Alane campe avec bonhomie Monsieur Lepic, faible époux qui avoue, à la fin, détester sa femme. Yoann Le Lan et Charlotte Bonnet sont Félix et Ernestine, le frère et la sœur de Poil de Carotte, qui échappent à la vindicte de leur mère.

Dans le rôle parlé de la vieille domestique, Chantal Neuwirth est une touchante Honorine, persécutée par sa patronne. Dorine Cochenet incarne Agathe, sa remplaçante, après avoir été, méconnaissable, un mendiant aveugle. La seule à arborer une robe blanche, Cécile Madelin est Mathilde, qui, avec Honorine, montre de l’affection à Poil de Carotte.

Ce spectacle, chaleureusement accueilli, a prouvé qu’il pouvait séduire à la fois adultes et enfants.

BRUNO VILLIEN

PHOTO © MARC GINOT

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