Comptes rendus Reinoud Van Mechelen, haute-contre pour l’hist...
Comptes rendus

Reinoud Van Mechelen, haute-contre pour l’histoire

18/10/2021

1 CD Alpha Classics ALPHA 753

Lors d’une rencontre à Bruxelles, en 2019, Reinoud Van Mechelen avait évoqué un projet qui lui tenait à cœur : rendre hommage, en trois CD, à trois hautes-contre entrées dans l’histoire du chant français (voir O. M. n° 154 p. 22 d’octobre). Peu après, paraissait le premier, consacré à Louis Gaulard Dumesny, « haute-contre de Lully » ; une réussite, saluée chaleureusement dans ces colonnes par François Lehel (voir O. M. n° 156 p. 74 de décembre 2019).

Le second, également gravé en studio, en septembre 2020, s’attache à la figure de Pierre de Jéliote (ou Jélyotte), « haute-contre de Rameau », et le plaisir est à nouveau complet. Jéliote débute à l’Opéra de Paris, en 1733 – il a tout juste 20 ans. Plusieurs petits rôles, entre autres une Parque dans Hippolyte et Aricie : déjà, un lien avec Jean-Philippe Rameau, qui ne va pas tarder à s’intensifier. Leur collaboration durera trente ans – Abaris dans Les Boréades lui sera destiné, mais l’ouvrage ne sera jamais représenté du vivant du compositeur.

Instrumentiste, pratiquant le violon, le violoncelle, la guitare, mais aussi compositeur, Jéliote était doté de nombreux talents – ce qui, ajouté à son art de chanteur, dont on louait le timbre, le style, l’expression, en faisait un musicien d’exception.

Le timbre, le style, l’expression : autant de qualités remarquables chez Reinoud Van Mechelen. On est charmé par cette émission naturellement aisée, cette voix brillante, qui s’élève sans la moindre difficulté vers l’aigu, par cette élocution soignée mais sans maniérisme, cette méticulosité du phrasé dont la rigueur n’exclut pas l’imagination, ces nuances toujours à propos.

Conçu en quatre parties, le programme que l’artiste belge a imaginé suit un ordre strictement chronologique, des débuts du jeune Jéliote jusqu’à son départ de l’Opéra, en 1755, et son retour à la cour, où il alternera reprises et créations.

Rameau y est constamment présent, au côté de Colin de Blamont, Rebel & Francœur, Leclair, Dauvergne, Mondonville, et, bien moins connus aujourd’hui, Charles-Louis Mion, Pierre-Montan Berton et Jean-Benjamin de La Borde.

En prime, un air composé par Jéliote en personne, tiré de son opéra Zélisca : aucun doute, « Ici les Ris et les Jeux » est destiné à mettre en valeur son interprète.

Quels que soient les sentiments, Reinoud Van Mechelen trouve le ton juste pour leur prêter vie. Les mots sont caressés avec tendresse (« Plaisirs, doux vainqueurs » dans Hippolyte et Aricie), la virtuosité se joint à la douceur (« Muses, je viens encor » dans Scanderberg de Rebel & Francœur).

Bien sûr, Rameau remporte la palme, magnifié par un artiste pour qui ces pages semblent avoir été écrites : « Lieux funestes » (Dardanus), « Que ce séjour est agréable ! » (Platée), « Que l’amour embellit la vie » (Les Boréades) sont, à ce titre, exemplaires.

Fondé et dirigé par Reinoud Van Mechelen, l’ensemble A Nocte Temporis – dont le premier violon, pour ce disque, est l’excellent Emmanuel Resche – étale une riche palette de couleurs, et son dynamisme est irrésistible.

Sans conteste, voici l’un des événements discographiques de l’automne ; vivement le volume 3, dont le héros sera Joseph Legros, l’une des hautes-contre favorites de Gluck.

MICHEL PAROUTY

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