Sabine Devieilhe

Mozart : The Weber Sisters

Les Petits Riens, Pantalon und Colombine, Airs de concert K. 294, 316, 383, 418 & 580, Die Zauberflöte, Thamos, Messe en ut mineur Pygmalion, dir. Raphaël Pichon

1 CD Erato 553024

En apprenant que le deuxième récital de Sabine Devieilhe pour Erato, gravé en studio, en janvier 2015, serait consacré aux sœurs Weber, nous avons d’abord pensé qu’il s’agirait d’une succession d’airs pris au choix parmi ceux composés par Mozart à l’intention des trois aînées : Josepha, Aloysia et Constanze (Sophie, semble-t-il, ne chantait pas). En réalité, nous avons affaire à un projet beaucoup plus ambitieux, conçu et mené de main de maître par Raphaël Pichon qui, en plus de diriger son ensemble Pygmalion, signe un passionnant texte de présentation.

Comprenant dix plages vocales et cinq instrumentales, le CD se présente comme un « portrait amoureux » du compositeur, en quatre parties : le séjour à Paris du printemps 1778, qui suit la rencontre avec la famille Weber à Mannheim, et le coup de foudre pour Aloysia (Sabine Devieilhe chante les variations sur Ah ! vous dirais-je, maman et la mélodie Dans un bois solitaire) ; les airs écrits spécifiquement pour Aloysia (Raphaël Pichon en a retenu quatre, entre 1778 et 1783 : « Alcandro, lo confesso », « Popoli di Tessaglia », « Vorrei spiegarvi, oh Dio » et « Nehmt meinen Dank ») ; ceux destinés à Josepha (« Schon lacht der holde Frühling » et le deuxième air de la Reine de la Nuit), en complément de pages instrumentales rattachées, comme Die Zauberflöte, aux affinités du musicien avec la franc-maçonnerie ; et le célèbre Et incarnatus est de la Messe en ut mineur, créé par Constanze en 1783, un an après son mariage avec Mozart, précédé d’un des solfeggi qu’il lui faisait travailler dans leur appartement viennois.

À l’écoute, une chose frappe d’emblée : ce CD est autant celui de Raphaël Pichon que de Sabine Devieilhe. Unis à la ville comme au disque, à la scène et au concert, soprano et chef avancent main dans la main, la beauté des sonorités de l’ensemble instrumental répondant à l’extraordinaire fraîcheur de la voix. Un exemple ? La tendresse de l’accompagnement dans « Vorrei spiegarvi, oh Dio », « Nehmt meinen Dank » et l’Et incarnatus est fait écho à un chant d’un raffinement exceptionnel, à l’intonation d’une précision remarquable et aux magnifiques piani.

Personnellement, ce sont ces moments -d’introspection, comme suspendus hors du temps, qui nous touchent le plus. Mais on ne peut que s’incliner devant l’aisance du suraigu (les deux légendaires contre-sol de « Popoli di Tessaglia » !) et la formidable virtuosité de Sabine Devieilhe, en particulier dans un « Der Hölle Rache » pris à un tempo d’enfer.

Là où tant de ses consœurs se satisfont d’une démonstration de pyrotechnie vocale, la soprano française laisse exploser toute la fureur de la Reine de la Nuit, avec une violence ne s’exerçant jamais au détriment de la qualité du son. De même, on est saisi par la vitalité que Raphaël Pichon insuffle, au tout début du programme, à l’Ouverture du ballet parisien Les Petits Riens, là encore sans que sa bouillonnante énergie ne tourne à la galopade ou à la bousculade.

Débordant de jeunesse, d’enthousiasme et de respect pour la musique, ce disque original est bien plus que la confirmation du talent d’une soprano d’exception : c’est un véritable acte de culture.

RICHARD MARTET

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