Comptes rendus Siegfried écolo à Göteborg
Comptes rendus

Siegfried écolo à Göteborg

15/04/2021

Opéra/www.opera.se, 29 mars

C’est sous le signe du « recyclable » et de l’« écologiquement durable » qu’a été inauguré, en 2018, ce Ring qui devrait s’achever, si la situation sanitaire le permet, en 2021, pour fêter le 400e anniversaire de la ville suédoise de Göteborg.

« Écologiquement durable », parce que faisant appel à des matériaux biodégradables et à des lumières à basse consommation, et parce qu’incitant les spectateurs à se rendre au théâtre par les transports en commun. Et « recyclable », parce que jouant d’une certaine économie, reprenant les mêmes éléments pour les décors et les costumes, et faisant en sorte que tout ce qui doit être jeté soit trié et réutilisé.

De fait, depuis Das Rheingold (voir O. M. n° 146 p. 36 de janvier 2019), c’est la même structure que l’on retrouve : un plateau tournant, marqué au sol par des LED bleus, sur lequel des éléments sont posés, qui se transforment en fonction des besoins. Ainsi, dans Die Walküre, la table marquant la rusticité chez Hunding, puis servant de bureau à Wotan, se change, dans Siegfried, en établi. Et le rocher sur lequel est endormie Brünnhilde peut devenir la forge de Mime…

« Rien ne se perd, tout se transforme » : telle est la devise qui préside à toutes les initiatives, et le choix même du Ring, comme œuvre ayant un rapport puissant avec la nature (le vol de l’or du fleuve et le déséquilibre que cela entraîne), n’est pas anodin.

Pour autant, la mise en scène de Siegfried par Stephen Langridge, qui a dû évidemment tenir compte des impératifs de distanciation (le spectacle, filmé à huis clos, en décembre 2020, a été diffusé, en actes séparés, du 26 au 28 mars, puis complet, du 29 au 31 mars), ne cherche pas particulièrement à se distinguer. Pas de parti pris tranché, aucune lecture historique, ni sociologique, ni même psychanalytique, mais la volonté de raconter l’histoire, le plus clairement et le plus simplement possible.

De fait, l’œuvre n’ayant jamais été montée par l’Opéra de Göteborg, et la production ayant pour vocation de rester au répertoire, on comprend que Stephen Langridge se sente dans l’obligation d’en proposer une approche accessible au plus grand nombre.

Du coup, il souligne bien des détails, notamment lors des récits rappelant les événements précédents, qui sont rejoués en arrière-plan par des figurants ou illustrés par des vidéos. Et cela donne parfois des redondances un brin appuyées. Mais l’ensemble ne manque pas d’humour, ni de poésie.

La distribution, très solide, a la particularité de proposer deux interprètes dans le rôle de Wotan errant : un (Anders Lorentzson, excellent), qui apparaît dans les deux premiers actes, et un autre (Fredrik Zetterström), qui intervient dans le troisième. Il semblerait que cette bizarrerie soit liée au fait que la captation, prévue avant les fêtes de Noël, n’ait pu, pour des raisons sanitaires, être réalisée d’un seul tenant.

Elle est, bien sûr, dominée par la voix claironnante du Siegfried de Daniel Brenna ; le ténor américain se joue, sans la moindre difficulté, des pièges et de la résistance imposés par le rôle. À ses côtés, Dan Karlström est un Mime moins caricatural que ceux que l’on a l’habitude de voir, et Mats Almgren campe un impressionnant Fafner, dans la décharge où il a trouvé refuge.

La surprise, enfin, vient d’Ingela Brimberg en Brünnhilde : physique de star, voix d’airain, la soprano suédoise enflamme le duo final d’une sensualité et d’un rayonnement magnifiques.

Evan Rogister dirige avec beaucoup de fougue, d’entrain et de sens du théâtre. Trop ? Difficile à dire, car on a du mal à se rendre compte, devant son écran d’ordinateur, si le fait que l’orchestre tende à couvrir les voix résulte d’un déséquilibre entre la scène et la fosse, ou, plus simplement, d’un problème technique.

PATRICK SCEMAMA

PHOTO © LENNART SJÖBERG

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