Comptes rendus Vaisseau moyen à Paris
Comptes rendus

Vaisseau moyen à Paris

29/10/2021

Opéra Bastille, 7 octobre

Datant de plus de vingt ans (juin 2000), la mise en scène de Willy Decker accuse son âge, encore plus qu’à la reprise de septembre 2010 (voir O. M. n° 56 p. 60 de novembre). Non que la réalisation ne soit assumée aussi bien que possible, mais, après d’autres productions plus marquantes, celle-ci paraît trop sage dans son concept, l’ascétisme de son décor unique et, de façon générale, son inventivité limitée, malgré la qualité de sa plastique.

La distribution, entièrement nouvelle, retient donc d’abord l’intérêt, avec des résultats inégaux. Ricarda Merbeth s’impose par son autorité, la pure beauté de la voix, l’égalité dans le registre et le legato, avec des aigus éclatants. On peut s’interroger toutefois sur la pertinence aujourd’hui de l’emploi, pour une chanteuse qui en est maintenant à Isolde, Brünnhilde ou Elektra. Très vaillante en scène, l’actrice n’est pas non plus exactement la Senta qu’on attend, malgré la vigueur de son engagement.

En face, le Hollandais de Tomasz Konieczny, qui ne nous a jamais totalement enthousiasmé, pose un personnage énigmatique et inquiétant à souhait. Mais c’est l’instrument même qui peut laisser sur la réserve : si l’aigu est puissamment projeté, presque jusqu’au cri, la voix, toujours un peu rocailleuse, qui fait son plein effet dans l’imprécation (et peut valoir pour son Telramund ou son Alberich), reste en deçà du meilleur pour les demi-teintes et les piani.

Après sa défection pour Wotan dans Die Walküre, à Bayreuth, l’été dernier, on est heureux de retrouver Günther Groissböck en assez bonne forme, sans être persuadé que Daland lui convienne vraiment mieux, où ne brillent pas assez ses qualités spécifiques.

À côté d’Agnes Zwierko, Mary de beau timbre, mais un peu trop ordinairement poitrinante, et du très lumineux et séduisant Pilote du jeune Thomas Atkins, l’Erik de Michael Weinius, vocalement acceptable, est catastrophique en scène, dans un costume impossible pour lui et avec un jeu très maladroit. Le ténor suédois achève de compromettre cette quatrième reprise de la production, où chacun paraît chanter dans son univers propre, dans une ambiance trop glacée.

Compense en partie la direction d’une énergie farouche, pour ses débuts in loco, du chef finlandais Hannu Lintu, géant au masque impressionnant, dans une impeccable mise en place, mais avec un charisme limité, au profit d’un Orchestre de l’Opéra National de Paris qui, plus encore que les Chœurs, nous donne la satisfaction la moins mélangée de la soirée.

FRANÇOIS LEHEL

OPÉRA NATIONAL DE PARIS/ELISA HABERER

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