Comptes rendus Vie parisienne explosive à Saint-Céré
Comptes rendus

Vie parisienne explosive à Saint-Céré

09/08/2019

Théâtre de l’Usine, 3 août

Voici un Offenbach qui n’est pas pour les dogmatiques de l’authentique. Il faut accepter que La Vie parisienne soit transférée dans les années 1960 (ce qui est très supportable, au regard de ce que l’on voit aujourd’hui dans beaucoup de théâtres), mais aussi que l’orchestre soit remplacé par une petite formation de jazz virant facilement au rock, et que les voix soient sonorisées. Dur à avaler pour un puriste ! Et pourtant, celui que la fantaisie débridée de l’auteur d’Orphée aux Enfers amuse toujours, ne pourra que se régaler de ce spectacle déjanté, conçu par Benjamin Moreau et Olivier Desbordes.

Évidemment, c’est la réorchestration due au tromboniste François Michels qui surprendra le plus, saxophone et guitare électrique compris, ainsi que l’adaptation, plus ou moins osée, des découpes mélodiques aux rythmes du jazz et du yéyé. Car nos metteurs en scène iconoclastes ajoutent aux effluves du swing, les tics des chansons en vogue à la fin des Trente Glorieuses.

Grâce à des chanteurs-comédiens virtuoses dans le travestissement et l’imitation, Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Sheila, Nana Mouskouri, Mireille Mathieu, Claude François et quelques autres font une apparition cocasse, sans oublier Louis de Funès, à la fois en Rabbi Jacob (moment de pure hilarité) et en Gendarme de Saint-Tropez.

Le plus fort, c’est que la musique ne souffre pas (trop) de ce traitement : on reconnaît bien les mélodies, les trouvailles et le dynamisme du compositeur. Pour justifier ces interférences avec les années 1960, Benjamin Moreau et Olivier Desbordes nous font assister au tournage d’une émission de variétés de la vieille RTF, avec ses gros plans boursouflés et ses ballets ringards.

Le tout est filmé en direct par un caméraman virtuose (Clément Chébli), et retransmis sur un écran accueillant aussi tous les lieux communs de la télévision balbutiante de l’époque Cognacq-Jay, avec sa mire mémorable, son petit train d’interlude, ses pannes inopinées et les premières pubs (en fait, apparues un peu plus tard sur le petit écran, mais celles du cinéma font l’affaire). Nous avons même droit au passage à la couleur (1967, sauf erreur) après l’entracte.

Si tout marche bien dans ce spectacle volcanique, c’est certes grâce aux trouvailles cocasses des metteurs en scène, aux décors mobiles de David Belugou, avec des estrades manipulées par la troupe, aux chorégraphies farfelues de Fanny Aguado, mais aussi aux instrumentistes, menés avec brio de son piano par Gaspard Brécourt, et surtout aux chanteurs-comédiens, rivalisant d’astuce et de drôlerie.

Sur ce plan, Lionel Muzin se révèle un Frick-Rabbi Jacob époustouflant. Thierry Jennaud passe d’un bouillonnant Brésilien à une caricature géniale de Cloclo, et Christophe Lacassagne, en Baron de Gondremarck, campe un faux Johnny très réussi. Les dames ne sont pas mal non plus dans leurs facéties, surtout Lucie Verbizier, fort amusante en Pauline-Mireille Mathieu.

Difficile de porter une appréciation globale sur l’interprétation vocale, car la sonorisation aplanit les différences au sein de la distribution. Dans les rôles les plus exposés, on peut dire que Diana Higbee est une Métella qui a du chien, et que Morgane Bertrand brille en Gabrielle, même si quelques aigus sont incertains.

Au bilan, un spectacle au-delà de l’extravagance, qui fonctionne parfaitement et enthousiasme le public.

JEAN-LUC MACIA

PHOTO © NELLY BLAYA

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